• Evelyne Daniel
    Evelyne Daniel
    présidente du Festival Paroles d’Humains
Propos recueillis par Aline Kockartz

Paroles d’humains, un événement culturel multidisciplinaire

La 23e édition du festival Paroles d’Humains s’est tenue du 24 janvier au 17 février 2024 à Herve, Soumagne, Dison, Verviers, Welkenraedt, Stavelot, Theux, Trois-Ponts, Malmedy et Liège. Et elle a été un franc succès.

Il s’agit d’un festival annuel programmé dans des lieux culturels ruraux et urbains en province de Liège qui, grâce à une programmation culturelle pointue – théâtre, musique, humour, conférence-débats, lectures – , pensée dans une démarche d’éducation permanente, vise la défense des droits humains et des peuples.

C’est en 2002 que plusieurs représentants d’associations locales et laïques de la région hervienne, rassemblés volontairement par le souhait de sensibiliser aux droits humains, à l’altérité et à la solidarité par la culture, mettent sur pied le premier festival Paroles d’Hommes.

L’événement grandit d’année en année, à tel point qu’en 2007, le festival se constitue en ASBL dans le but de disposer d’une structure institutionnelle fiable et de se pérenniser, en étoffant encore ses partenariats associatifs. En 2023, sous l’impulsion d’interpellations répétées du public qui suit le festival ou des comédien·nes et artistes qui y sont programmés, l’association mène une réflexion sur son nom. L’humanisme reste une valeur incontournable, mais les évolutions sociétales invitent à la remise en question. Le festival devient donc Paroles d’Humains.

Lors de l’assemblée générale du 18 mars dernier, l’association a rejoint le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège.


Entretien avec

Evelyne Daniel

Un festival engagé et singulier

Salut & Fraternité : La logique de partenariat et de réseau associatif traverse l’histoire du festival. Pourquoi ?

Evelyne Daniel : Dès ses débuts, le festival est constitué par un regroupement d’associations de la région d’Herve et de Soumagne : le Comité d’Action Laïque de Soumagne, le Comité d’Action Laïque de Herve, la Maison de la Laïcité de Theux et Kabongoye. Patrick Donnay en est le directeur artistique. Aujourd’hui, l’équipe de base est toujours présente et le festival fonctionne grâce à des bénévoles.

Actuellement, la structure est mixte, c’est-à-dire composée de personnes morales (associations) en majorité mais aussi de personnes physiques. Le but est de garder cette logique d’association d’associations, de réseautage, de collectif qui concourt au même objet : défendre les droits humains au sens large.

Cette année, le festival Paroles d’Humains a rejoint le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège. C’est une opportunité de renforcer un soutien qui existe depuis les débuts et d’en faire une véritable collaboration. Parallèlement, l’association a étendu son réseau de collaboration à tous les centres culturels de l’arrondissement de Verviers, et c’est réjouissant !

S&F : Quel est le bilan de cette 23e édition ?

E.D. : Beaucoup de spectacles parmi les 30 représentations proposées ont été joués à guichet fermé. Nous avons vécu des moments riches de rencontres et de partages sur des thèmes assez forts comme, par exemple, le kidnapping avec Je crois que dehors c’est le printemps, la santé mentale avec Florence Mendez, les violences du patriarcat avec Girls and boys, les droits des femmes ou encore la migration avec Una storia italiana. Le spectacle de Bart Van Loo Les Téméraires était lui aussi pertinent en cette période préélectorale car il porte sur l’histoire des racines communes entre Flamands et Wallons ou encore Les Bonnes de Jean Genet , avec une mise en scène sous forme de théâtre musical par Dominique Serron, sur la condition humaine et les inégalités de classe.

Mais nous essayons également d’aller plus loin et de stimuler le partage avec le public sous forme de débat, notamment avec la venue de Christine Mahy pour le spectacle Apnée, sur la précarité. De même, après la représentation du spectacle Lune, qui propose une réflexion militante sur les inégalités de genre, nous avons mis en place un échange réunissant des jeunes, un psychologue et un avocat.

Fort de ses positions politiques en lien avec les droits humains, le festival s’est fixé pour mission d’organiser des espaces d’échanges en plus des activités culturelles. Le fait de pouvoir le faire est une réussite.

En ce qui concerne le public du festival, on constate que certains spectateurs et spectatrices assistent à nos événements de manière fidèle et récurrente, peu importe le lieu : ils se déplacent et suivent le festival pour sa programmation. D’autres viennent parce que le spectacle est programmé près de chez eux : c’est donc important de nouer des collaborations dans de multiples centres culturels. Autre élément qui nous tient à cœur : les représentations scolaires. Nous faisons un maximum pour en organiser.

Par contre, nous remarquons qu’un public jeune, âgé de 20 à 35 ans, est particulièrement absent de nos salles. Nous souhaiterions trouver un moyen de les faire venir.

 

S&F : Vous avez effectué un changement dans la programmation lors de cette édition. Pourquoi ?

E.D. : Chaque édition du festival nous réserve des surprises. Cette année, nous avons appris que Marc Ysaye, que l’on avait déjà programmé précédemment, a liké très récemment de nombreuses publications de personnes d’extrême droite. Or, notre asbl porte un objet social de défense de la démocratie et des droits humains et des peuples en totale incompatibilité avec ces opinions. Comme nous travaillons en étroite collaboration avec les centres culturels, nous avons consulté celui de Stavelot, où Marc Ysaye devait être programmé, et nous avons pris ensemble la décision de déprogrammer sa venue de façon collégiale. Dans le même temps, nous apprenions également que Marc Ysaye avait rejoint le MR, ce qui n’a pas été pris en compte dans notre ­décision.

Symboliquement, nous avons remplacé cette programmation par une conférence de Luc Baiwir, qui est venu gracieusement, et nous avons reversé la recette à la société de production et aux techniciens du spectacle de Marc Ysaye qui n’ont pas de responsabilité dans cette déprogrammation mais en ont souffert les conséquences.

< Retour au sommaire