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Aziz Saïdi,
président d’Algèbre asbl
Algèbre : pour un art qui crée du lien !
Dans les années 90, l’Algérie connaît une période de troubles. Afin de soutenir les démocrates en proie à la virulence des intégristes, qui s’en prennent dans un premier temps au milieu socio-culturel, se crée à Liège l’association citoyenne Algèbre. La situation en Algérie évolue ensuite et l’association entre dans une période de somnolence, pour, plus tard, redémarrer en axant son travail sur le dialogue des cultures. Elle entend ainsi lutter contre les extrémismes, et particulièrement les intégrismes religieux, à travers des activités d’éducation permanente organisées autour d’expositions d’artistes engagés. C’est à ce moment qu’elle greffe son projet à celui des Grignoux en s’occupant de la Galerie d’exposition Le Parc puis celle du cinéma Churchill. Ce qu’elle fait maintenant depuis une vingtaine d’années.
But avoué : décloisonner le quartier populaire de Droixhe, qui, à l’époque était présenté comme un quartier ghetto problématique. L’équipe des Grignoux décide donc de créer un pont entre le centre de la cité et Droixhe, où se trouve le cinéma Le Parc. L’idée : dédicacer un espace d’expositions ouvert aux artistes. Une démarche qui a permis d’accueillir un public différent, celui des arts plastiques, et de changer le regard sur le quartier. Aujourd’hui, Droixhe propose une belle diversité dans les offres culturelles, avec, à la clé, un véritable mélange des populations. Mission accomplie !
Aziz Saïdi
« Un autre art est possible ! »
Salut & Fraternité : Quel type d’expositions trouve-t-on dans ces deux galeries ?
Aziz Saïdi : Ces espaces d’exposition sont ouverts à tous les artistes qui véhiculent un message en accord avec nos valeurs laïques. C’est important de maintenir des espaces d’expression artistique, accessibles gratuitement, qui offrent une belle visibilité au cœur de Liège.
Algèbre travaille avec des artistes qui s’interrogent sur les contradictions de notre société. Par exemple, la dernière exposition s’interroge sur la globalisation, la finance et la crise actuelle, via des phrases très percutantes qui interpellent le visiteur. L’association privilégie également les synergies artistiques, mises en œuvre en 2007 pour traiter la thématique de la métallurgie ou encore celle de l’interculturalité : face à chaque œuvre se sont exprimées des personnalités d’horizons et de milieux différents. Le rôle d’Algèbre est de favoriser le travail de l’artiste qui croise son travail avec une critique pertinente de ce qui l’entoure, car l’art est absolument essentiel pour sensibiliser, éduquer et questionner.

S&F : Pensez-vous que l’art est alors accessible à tout le monde ?
A.S. : Malheureusement un certain art est inaccessible à toute une partie de la population. La globalisation, le capitalisme fou ont placé l’art au milieu des marchés financiers et de la spéculation. L’art y est une marchandise, il est de moins en moins engagé et il est basé sur des livrets de commande. Tout est cadenassé par deux ou trois grosses maisons de vente, marchands internationaux et quelques grandes galeries américaines qui décident de la cote des artistes. La plupart d’entre eux a alors pour principal souci de se vendre. Les rencontres internationales d’art contemporain sont d’ailleurs de véritables foires commerciales.
Tout est cadenassé par deux ou trois grosses maisons de vente, marchands internationaux et quelques grandes galeries américaines qui décident de la cote des artistes. La plupart d’entre eux a alors pour principal souci de se vendre.
Cependant, il est faux de penser que l’art est réservé à une certaine élite. C’est un acteur important de l’éducation permanente. Algèbre a déjà plus d’une fois participé à des ateliers avec un public dit « défavorisé » : la richesse et la création qui en ressortent sont impressionnantes. Le travail de notre association est de mettre l’art à la portée de tout le monde. Les espaces de création artistique ne sont pas exclusifs : tout le monde peut les fréquenter. Il faut lutter contre l’idée que le peuple est « bête » et qu’il ne peut consommer que ce qui est bas de gamme et mauvais, alors que la qualité est laissée aux autres, aux riches. L’art amène l’interrogation, la collaboration… et il doit faire partie de l’éducation à travers l’école, les associations, les espaces publics… Or il fait peur car le spectateur est tout de suite jugé s’il ne comprend pas une oeuvre. Cette école d’art contemporain, qui s’est imposée comme la seule référence en la matière, a en effet créé un modèle identique à celui de la pensée unique.
S&F : L’art engagé a-t-il disparu ?
A.S. : Bien sûr que non ! Mais puisque la logique marchande ramène l’art à un travail de l’artiste sur lui-même, elle a de plus en plus tendance à lui faire oublier ce qui l’entoure. Dès lors, le rôle d’Algèbre est de soutenir les artistes engagés qui ne se placent pas dans cette logique marchande et qui risquent, du coup, de ne pas être dans l’air du temps car ils ne rentrent pas dans ce système, très à la mode, de commandes. Algèbre travaille à contrer cet aspect des choses et montrer aux artistes qu’il n’y a pas que l’aspect financier qui compte, mais que la création, la recherche et le travail sont également très importants. Les artistes sont présents pour nous interpeller, nous aider à nous interroger. Mais c’est très compliqué pour eux car l’espace laissé pour cet art-là est forcément très restreint. Voilà pourquoi Algèbre se bat pour maintenir des espaces de création tels que les espaces d’exposition des cinémas Le Parc et Le Churchill à Liège.
(…) le rôle d’Algèbre est de soutenir les artistes engagés qui ne se placent pas dans cette logique marchande et qui risquent, du coup, de ne pas être dans l’air du temps car ils ne rentrent pas dans ce système, très à la mode, de commandes.
En conclusion, Algèbre défend l’idée qu’un autre art est possible ! La Laïcité participe à ce combat depuis des années en soutenant non seulement le travail d’Algèbre mais également celui des artistes. La longue collaboration avec le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège, qui permet de faire une promotion de qualité de leur travail, est primordiale car ils n’y parviendraient pas seuls. L’artiste est fragile et son statut est précaire ! La Laïcité doit continuer à être présente à leurs côtés !
Un art à la portée de tous est possible !
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