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Linda Musin,
historienne
Juste une question de vocabulaire
Article
Solidarité… Un mot que l’on utilise fréquemment depuis quelques années et qui a acquis une connotation médiatique. Sans doute parce que cette notion est au centre du système de protection sociale qu’est la Sécurité sociale, dont l’avenir est aujourd’hui en jeu. Mais aussi peut-être parce que beaucoup de personnes en ont cruellement besoin.
Depuis les années 70, la crise a favorisé le développement de nombreuses inégalités entre les travailleurs.
Elle n’a pas frappé tout le monde simultanément et de la même manière, mais a conduit à la précarisation d’un grand nombre de citoyens. La « nouvelle pauvreté » est aujourd’hui une réalité. On peut parler de « fracture sociale ».
(…) Il est clair qu’au XIXe siècle, il y a eu une solidarité de classe, celle de la classe ouvrière. Aux cris de misère d’ouvriers qui ne connaissaient pas encore les vertus de l’union se sont succédés des embryons d’organisation, puis des mouvements beaucoup plus structurés vers la fin du siècle. Le socialisme a su, par une symbiose entre ses valeurs humanistes et le mouvement ouvrier, donner naissance à un contre-pouvoir social, et obtenir ainsi de profonds changements de la société.
La classe ouvrière s’est très fortement réduite, tandis qu’à ses côtés est apparue celle des exclus. Cette dernière n’a pas encore de conscience collective puisqu’elle est constituée de personnes isolées, sans moyen de résistance (…)
Aujourd’hui, le mouvement ouvrier a radicalement changé, parce que les systèmes de production ont eux-mêmes changé ou se sont déplacés. La classe ouvrière s’est très fortement réduite, tandis qu’à ses côtés est apparue celle des exclus. Cette dernière n’a pas encore de conscience collective puisqu’elle est constituée de personnes isolées, sans moyen de résistance, et il n’y a pas de solidarité « automatique » entre ce qui est encore la classe ouvrière et l’ensemble des exclus.
Repenser la solidarité aujourd’hui implique donc de mettre en avant une société plus égalitaire, où la justice sociale et la dignité humaine sont les enjeux premiers. (…)
Aujourd’hui, nous n’avons plus qu’un vague souvenir, ou pas de souvenir du tout, des luttes antérieures, qui ont permis de formuler puis de faire progresser le contrat social, et les mécanismes de solidarité mis en place – comme par exemple la Sécurité sociale – peuvent laisser les gens indifférents. Ces mécanismes – et les institutions qui en découlent – restent pourtant les meilleurs garants de la cohésion de notre société. Il faut donc les maintenir et, plus encore, les renforcer et les étendre.
La construction européenne – et la nécessaire dimension sociale qu’il faut lui donner – est un enjeu immédiat.
D’autre part, il nous faut redéfinir un projet de gauche (la gauche au sens large du terme) intelligent et généreux, qui remette l’Homme et l’Humain au centre des débats. La construction européenne – et la nécessaire dimension sociale qu’il faut lui donner – est un enjeu immédiat. Le mouvement associatif peut-être un précieux partenaire pour développer les initiatives de solidarité impliquant les citoyens eux-mêmes, dans une perspective égalitaire, et non caritative, s’entend.
Il convient, face à la mondialisation du marché, et à la compétitivité qui conduit aujourd’hui à la spirale des exclusions, de dépasser le cadre national et de construire une solidarité, la plus large possible, ou mieux encore, une société égalitaire.
N’est-ce là qu’une utopie ? Mais pouvons-nous encore nous payer le « luxe » de l’ignorer ?