• Jean-Pierre Nossent
    Jean-Pierre Nossent
    président de PEC-WB
  • Lauranne Modolo
    Lauranne Modolo
    animatrice à PEC-WB
  • Lionel Biatour
    Lionel Biatour
    animateur à PEC-WB

Peuples et culture, rendre la culture au peuple et le peuple à la culture !

Pour aborder la conception de la culture à laquelle se réfère PEC, il est éclairant de retourner aux origines du mouvement et plus particulièrement à deux moments : la création de PEC France en 1945. Au sortir de la guerre, un groupe de résistants et maquisards engagés décident de créer un mouvement d’éducation populaire qui prendra le nom de Peuple et Culture (PEC)… C’est ce mouvement français qui inspirera la création de Peuple et Culture en Wallonie et à Bruxelles ASBL (PEC-WB) en 1976.

L’objectif des fondateurs est d’ailleurs clairement affirmé dans le manifeste de 1945 « Un peuple, une culture » : il s’agit de « rendre la culture au peuple et le peuple à la culture ».
Cette orientation d’éducation populaire s’éloigne des pratiques axées sur une volonté de transfert paternaliste vers des individus qu’il faudrait faire accéder à une culture créée et pensée en dehors d’eux, en dehors des luttes économiques et sociales d’émancipation. Il s’agit alors de partir de leur culture propre, de leurs problèmes sociaux et économiques.
PEC-WB développe ainsi ses actions dans une tradition « généraliste », considérant que les arts et la culture ne se limitent pas à des domaines spécialisés mais concernent tout ce qui est susceptible de relier les hommes dans l’espace et dans le temps mais aussi de nourrir la résistance à la domination par la pensée.

L’association a choisi d’agir sur le terrain de l’action culturelle et de la formation contre les inégalités, les aliénations, les conditionnements et toutes formes d’exclusions qui font obstacles à la démocratie dans les institutions, à l’autonomie, à la responsabilité et à la citoyenneté des personnes. Rencontre avec son président, sa permanente et son permanent.


Entretien avec

Jean-Pierre Nossent

Lauranne Modolo

Lionel Biatour

Démocratie culturelle, pluralité et diversité des cultures

DUDH

Article

Salut & Frater­nité : Quel est le projet cultu­rel de votre association ?

Jean-Pierre Nossent : L’idée était, au sortir de la guerre, de combattre et suppri­mer la divi­sion sociale du travail entre ceux qui décident et ceux qui exécutent. Il y a là l’affirmation d’un enjeu cultu­rel : la trans­mis­sion d’une culture citoyenne pour une refon­da­tion de la démo­cra­tie et pour une trans­for­ma­tion sociale. Il s’agissait bien d’apporter une culture exté­rieure au peuple mais aussi de promou­voir une culture tour­née vers l’action pour résis­ter, comprendre et agir sur le monde. Notre mani­feste précise égale­ment que « La culture est un travail, une produc­tion, et non seule­ment une quan­tité d’œuvres ou de savoirs à consom­mer. L’éducation popu­laire pour­suit un objec­tif d’émancipation : se former pour une égalité sociale. » Nous consi­dé­rons égale­ment la culture comme instru­ment de dialogue, ce qui implique l’idée qu’il existe une diver­sité de cultures.

Nous consi­dé­rons égale­ment la culture comme instru­ment de dialogue, ce qui implique l’idée qu’il existe une diver­sité de cultures.

Dès sa créa­tion, PEC-WB est animé par la convic­tion que la repro­duc­tion des inéga­li­tés ne peut être évitée que par le chan­ge­ment des modèles cultu­rels. Notre asso­cia­tion a mis sur pied des forma­tions pour déve­lop­per les compé­tences en critique sociale et la capa­cité d’action trans­for­ma­trice des condi­tions qui déter­minent les situa­tions réelles de la vie, les rapports sociaux et le chan­ge­ment social.

S&F : Comment cela se traduit-il prati­que­ment sur le terrain ?

J‑P. N. : Nous sommes recon­nus en éduca­tion perma­nente et travaillons donc sur deux axes. Tout d’abord l’engagement dans l’action terri­to­riale. C’est l’espace de la co-construc­tion de proces­sus de réflexion en groupe et d’action collec­tive de soli­da­ri­sa­tion. Avec un ques­tion­ne­ment sur les pratiques cultu­relles : en quoi sont-elles porteuses d’une trans­for­ma­tion sociale ? Avec aussi la prise en compte du postu­lat de l’égalité cultu­relle : il n’y a pas de cultures supé­rieures a priori. Second axe : les forma­tions, qui sont notam­ment carac­té­ri­sées par une métho­do­lo­gie géné­rale de l’analyse et de l’action (en réfé­rence à l’Entraînement mental), les méthodes de pensée et d’action collec­tives et la réflexion péda­go­gique. Celle-ci porte notam­ment sur l’autoformation, la forma­tion mutuelle, la pratique des expé­riences démo­cra­tiques de l’apprentissage, le lien pratique/théorie et l’approche globale transdisciplinaire.

Peuples et Culture met en place des rencontres qui permettent de réflé­chir ensemble

S&F : Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

Lauranne Modolo et Lionel Biatour : De manière géné­rale, les projets que nous menons sont réflé­chis, créés et menés en colla­bo­ra­tion avec les personnes qui y parti­cipent, avec leur person­na­lité et leur vécu, dans leur lieu de vie. Par exemple, nous travaillons actuel­le­ment avec des personnes réfu­giées et héber­gées à Saint-Nico­las. Sur base de groupes de paroles, nous avons abordé leurs récits de vie, la raison de leur venue en Belgique mais aussi des thèmes tels que l’agriculture, le travail de la terre et la rela­tion qu’ils avaient avec elle dans leur pays d’origine… Ces rencontres ont permis de réflé­chir ensemble à ce qui faisait sens commun autours des ques­tions évoquées. Ce projet s’inscrit plus large­ment dans un contexte et une volonté poli­tique, sociale et écono­mique. C’est rendre du pouvoir à ces personnes afin de favo­ri­ser leur émancipation.

De manière géné­rale, les projets que nous menons sont réflé­chis, créés et menés en colla­bo­ra­tion avec les personnes qui y parti­cipent, avec leur person­na­lité et leur vécu, dans leur lieu de vie.

Par ailleurs, notre projet « Place à nous » en est à sa troi­sième édition. Au départ des indi­gna­tions des habi­tants du quar­tier où nous sommes implan­tés, nous avons effec­tué un travail de récolte de la parole afin de déga­ger leurs attentes mais aussi de pouvoir en parler dans l’espace public. Il y a eu des coups de gueule mais aussi des coups de cœur, une réflexion sur la notion de fron­tières (que ce soit d’un quar­tier, d’un pays…). Cette année, nous abor­dons la ques­tion des médias : que reçoit-on comme infor­ma­tion ? Comment ? Qu’en faisons-nous ?
En ce qui concerne nos forma­tions, elles sont desti­nées notam­ment aux acteurs issus d’autres asso­cia­tions. Nous ne travaillons donc plus ici direc­te­ment avec les popu­la­tions ou collec­tifs. L’idée est entre autre de parta­ger le message que le citoyen est respon­sable, acteur de sa propre vie et qu’il peut aussi avoir du pouvoir. Nous essayons d’essaimer un regard critique vis-à-vis de la société et de faire en sorte que les autres acteurs puissent en faire de même par la suite. Nous sommes dans une logique de trans­ver­sa­lité puisqu’ici aussi, il s’agit de rame­ner le pouvoir à la personne concer­née et ce, quel que soit l’axe (culture ou forma­tion) par lequel nous travaillons.


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