• Marie-Pierre Fonsny
    Marie-Pierre Fonsny
    journaliste à la RTBF

Climatologie de l’accueil des réfugiés le chaud et le froid

J’aime l’été ! Sensa­tion à la fois douce et suffo­cante de la montée des tempé­ra­tures, de la rue qui revit, des espaces où l’on se parle sans raison. Les enfants jouent, crient, rient. Nous retis­sons les fils avec nos semblables, connus ou inconnus…

Juin 2016, banlieue indus­trielle de Thes­sa­lo­nique, au Nord de la Grèce. Notre équipe de la RTBF a obtenu, de haute lutte, l’autorisation de filmer dans trois des vingt camps de réfu­giés instal­lés à la hâte dans des espaces indus­triels déser­tés. Nous péné­trons dans le camp de Nea Kavala. Sur cet ancien aéro­drome entouré de grillages et de barbe­lés, pas un arbre pour s’abriter. Le soleil nous nargue à la verti­cale. Nous rencon­trons des béné­voles d’une asso­cia­tion alle­mande. Jeunes pour la plupart, ils ont tout quitté pour écou­ter les âmes meur­tries, serrer les mains égarées, être là, tout simple­ment, quand il n’y a plus personne. Entre libé­ra­tion et déses­poir, la faran­dole d’enfants nous entraine, ryth­mée par Michael Jack­son. Je ne sais s’il faut rire ou pleu­rer. En plein cagnard, au détour des tentes du Haut-Commis­sa­riat aux réfu­giés des Nations Unies (HCR), nous décou­vrons l’attente. Au ralenti, des femmes bercent les enfants, les vieux somnolent, au mieux quelques hommes jouent aux cartes. Un papa lève une mous­ti­quaire et nous dévoile un bébé, endormi et trans­pi­rant. Il n’a que quelques semaines. La vie éclot dans la four­naise… Dans la pesan­teur de l’été grec, les regards sont déla­vés, les corps affai­blis, les gestes lents, les esprits vides. Pas de livres, peu d’école. Nous enre­gis­trons la colère brûlante des parents : « Quand nos enfants iront-ils à l’école ? Où est-elle la démo­cra­tie dont on nous parle tant en Europe ? Pour­quoi ne veut-on pas de nous ? Attendre, attendre, attendre, encore combien de temps ? »

Et puis une bouf­fée d’air frais inat­ten­due. Des béné­voles ont creusé un trou, disposé une bâche et rempli d’eau une piscine de fortune. Des enfants s’éclaboussent et rient aux éclats. Nos mâchoires se desserrent. Déses­poir versus espoir. Chaud, froid.

Fin décembre 2016, 0° à Thes­sa­lo­nique. Je décide de passer le cap du nouvel an auprès de l’association britan­nique Help Refu­gees. Objec­tif : trier l’aide inter­na­tio­nale qui arrive dans un vaste entre­pôt. Il fait un froid de canard mais une joyeuse troupe venue des quatre coins d’Europe s’active. Se rendre utile, ne plus subir ces images sans agir. Chaleur humaine.

Dans certains camps les plus expo­sés à la neige et au vent glacial, le HCR a ache­miné des contai­ners. Les familles grelottent à l’abri des regards. Un deuxième hiver en exode, après celui passé à la fron­tière gréco-macé­do­nienne quand l’Europe cade­nas­sait bruta­le­ment son espace.

Et à l’heure où j’écris ces quelques lignes, c’est un deuxième été à crou­pir là. Avec pour seule chimère : un chan­ge­ment de météo­ro­lo­gie poli­tique qui les sauve­rait de l’étuve, de l’oubli et du chagrin… Aujourd’hui, à peine 12 % des réfu­giés syriens et irakiens des camps grecs ont été relo­ca­li­sés dans un pays européen…

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