- Carinne Van Rymenam,
présidente de l’Association des Professeurs de Morale Laïque en province de Liège (APML)
défendre le cours de morale laïque
L’Association des professeurs de morale laïque en Province de Liège (APML) rassemble des professeurs de morale laïque, non confessionnelle ou inspirée par l’esprit du libre examen de tous niveaux et de tous réseaux de l’enseignement officiel en province de Liège. Elle a été fondée en 1999 pour défendre l’existence du cours de morale, alors menacé par la réforme de la formation initiale des maîtres et régents initiée par la Ministre Dupuis en charge de l’enseignement supérieur. Le cours de morale y était relégué dans les cours à option, avec un nombre d’heures de formation réduit à une peau de chagrin. Un projet qui faisait craindre la suppression pure et simple du cours. Le Président fondateur de l’association, Willy Fayen et Hélène Hasard ont donc été élus administrateurs au Conseil de la morale Laïque, dont la mission était de défendre le cours de morale au niveau de la Communauté française, pour y représenter la Province de Liège.
Aujourd’hui, l’APML a pour objectifs la promotion et la défense du cours de morale laïque, de ses valeurs et de sa philosophie, ainsi que la rencontre et l’échange entre professeurs de morale et applique une méthode basée sur la réflexion critique, selon le principe du libre examen. Depuis 2005, cette ASBL est fédérée au Centre d’Action Laïque de la Province de Liège.
Carinne Van Rymenam
« Le cours de morale, vitrine du mouvement laïque »
Salut & Fraternité : Certains parlent de cours de morale non confessionnelle, d’autres mettent au contraire l’accent sur la « référence » laïque, d’autres encore souhaiteraient, comme l’a proposé en son temps la Ministre Simonet, le voir carrément neutre. Quel est le point de vue des profs de morale de l’APML à ce sujet ?
Carine Van Rymenam : La laïcité est la garante de la liberté de croyance pour tout un chacun, croyant ou non, et donc une chance pour le développement démocratique de notre société multiculturelle… Le cours de morale s’adresse à tous les élèves et aux parents qui se réclament « d’une forme de laïcité » dans le programme du primaire et « qui ne se réclament d’aucune confession » pour celui du secondaire. Les qualificatifs accolés au mot morale à savoir : « laïque », « non confessionnelle », ou « inspirée par l’esprit du libre examen » concourent à définir plusieurs facettes d’une même réalité. Une laïcité politique (séparation des églises et de l’état) – un croyant peut donc être laïque ! – et/ou une laïcité philosophique (agnosticisme ou athéisme). C’est dans cette perspective que l’élève du cours de morale pratiquera le libre examen qui est une méthode de réflexion, d’analyse critique et rationnelle dégagée de tout dogme,… et qui vise à une autonomie de pensée pour tous.
Quant à la neutralité du cours de morale, il est neutre s’il incite à la réflexion personnelle, à la construction des savoirs libérés de tout précepte, qu’il privilégie la liberté de pensée et d’actions. Dans le programme de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le cours de morale adhère explicitement au Décret Neutralité.
S&F : Le Centre d’Action Laïque revendique la suppression du caractère obligatoire des cours philosophiques et l’instauration d’un cours commun, destiné à tous, intitulé « Éducation philosophique, éthique et citoyenne ». L’APML ne partage pas cet avis. Quel est-il ?
C.V.R. : Si la majorité des professeurs de morale sont plutôt favorables à l’organisation d’un cours commun d’éducation philosophique, éthique et citoyenne, ils se demandent s’il est sage de renoncer aujourd’hui au cours de morale, vitrine des idées du mouvement laïque. Y renoncer, n’est-ce pas aujourd’hui mettre en péril des acquis âprement gagnés et mettre en place les conditions pour une nouvelle guerre scolaire ?
Certains laïques optimistes nous assurent que les professeurs de morale pourront naturellement hériter de ce nouveau cours. C’est oublier que pour arriver à ce changement, l’étape intermédiaire consiste à rendre le cours de morale et les cours de religion facultatifs. Dans un premier temps, concrètement, les professeurs de morale perdront des heures ou leur emploi. Ils seront, dans un second temps, titulaires d’un cours à option considéré comme engagé au même titre que les cours de religion1. Ils ne pourront être à la fois professeur d’un cours engagé et d’un cours neutre !
Sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est déjà le cas : le professeur d’un cours philosophique ne peut donner un autre cours, décret neutralité oblige !
Nous n’avons donc aucune certitude sur le fait que le nouveau cours sera attribué aux anciens professeurs de morale même s’ils sont détenteurs d’une agrégation en philosophie ou d’un régendat avec option morale. Les professeurs et les jeunes étudiants qui viennent de s’engager dans cette formation sont inquiets à ce propos.
S&F : Ce cours commun ne serait-il pas en définitive le cours de morale tel qu’il est enseigné dans le secondaire ?
C.V.R. : Notre cours de morale actuel, dont le programme est extrêmement riche, permet déjà d’aborder les questions d’ordre philosophique, éthique et citoyenne. Il s’agit d’un cours à vocation universaliste, capable d’aider à jeter des ponts entre les différents domaines de connaissance et dont les valeurs de tolérance active, d’ouverture à l’autre, de liberté de choix et d’autonomie de pensée peuvent s’adresser à tous. Nous souhaitons que les valeurs et la longue expérience des pratiques didactiques et pédagogiques du cours de morale actuel ne disparaissent pas et soient accessibles obligatoirement à tous les élèves de l’enseignement officiel. Que cela soit sous un nouvel intitulé, pourquoi pas ?
Il s’agit d’un cours à vocation universaliste, capable d’aider à jeter des ponts entre les différents domaines de connaissance et dont les valeurs de tolérance active, d’ouverture à l’autre, de liberté de choix et d’autonomie de pensée peuvent s’adresser à tous.
La formation des maîtres et professeurs doit être renforcée pour garantir une qualité d’enseignement. Nous serions ainsi en accord avec l’Unesco qui souhaite promouvoir, dès l’école primaire, l’enseignement de la philosophie en Europe et en Amérique du Nord. Dans son rapport régional de 20112, l’esprit du cours de philosophie est décrit en des termes quasi identiques à ceux que l’on trouve dans notre cours de morale.
- Actuellement, le cours de morale est considéré comme un cours général tandis que les cours de religions sont des cours spéciaux.
- http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002140/214090f.pdf