• Céline Gérard
    Céline Gérard
    coordinatrice du service Études

Cours philosophiques : le débat actuel

Les cours philo­so­phiques sont régu­liè­re­ment l’objet de débats et de contro­verses sur le terri­toire de la Fédé­ra­tion Wallo­nie-Bruxelles. Des voix s’élèvent pour dénon­cer leur exis­tence au sein de nos écoles publiques ainsi que les dysfonc­tion­ne­ments géné­rés par le système actuel. Depuis de nombreuses années, respon­sables poli­tiques, asso­cia­tifs, citoyens… s’interrogent égale­ment sur l’opportunité et la néces­sité d’introduire davan­tage de philo­so­phie, d’histoire cultu­relle et de citoyen­neté dans le cursus de tous les élèves.


Rappe­lons que la coexis­tence des cours philo­so­phiques dans l’enseignement offi­ciel est le résul­tat d’un compro­mis résul­tant du Pacte scolaire, inti­me­ment lié aux diver­gences poli­tiques entre laïques et catho­liques qui ont jalonné notre histoire. Les écoles offi­cielles ont ainsi l’obligation d’offrir, deux heures par semaine, le choix entre les cours de morale non confes­sion­nelle ou d’une des reli­gions recon­nues (catho­lique, protes­tante, israé­lite, ortho­doxe, isla­mique et angli­cane). Cette exigence ne s’applique pas aux écoles libres confes­sion­nelles, majo­ri­tai­re­ment catho­liques, et donc tenues d’organiser le seul cours de reli­gion dont elles se reven­diquent. Ces cours jouissent d’une grande liberté en ce qui concerne les programmes (certains cultes – israé­lite, isla­mique, ortho­doxe – n’en ont d’ailleurs pas de clai­re­ment établis), la dési­gna­tion des ensei­gnants et des inspec­teurs puisque tous sont propo­sés à l’emploi par les chefs de culte. À l’inverse, le cours de morale non confes­sion­nelle répond aux mêmes condi­tions que les cours géné­raux en ce qui concerne la dési­gna­tion des profes­seurs, les titres requis et l’obligation d’avoir un programme rédigé par compétences.

Une situa­tion aujourd’hui intenable

L’organisation d’autant de cours entraîne inévi­ta­ble­ment un casse-tête pour les direc­tions d’école : cours à orga­ni­ser en paral­lèle, locaux à prévoir, profes­seurs à rempla­cer en cas d’absence… Certaines écoles composent donc les classes en regrou­pant les élèves qui suivent le même cours philo­so­phique, engen­drant une ségré­ga­tion diffi­ci­le­ment accep­table. Il arrive aussi qu’un élève soit retiré de son groupe classe pour suivre sa forma­tion reli­gieuse, moins suivie. Sans comp­ter que de nouvelles reli­gions (le boud­dhisme et l’hindouisme) sont candi­dates à la recon­nais­sance et que de nouveaux cours philo­so­phiques seront donc à prévoir.

© Repor­ters – Orphea Studio 3 – Claire Deprez

Un enjeu de société

Face à la plura­lité cultu­relle, à l’existence de tendances commu­nau­taires, aux préju­gés, aux réac­tions simplistes et pure­ment émotion­nelles, aux multi­pli­ca­tions de marques d’intolérance voire de racisme, l’organisation actuelle, qui isole les élèves de confes­sions diffé­rentes, appa­raît comme dépas­sée et peu propice à la construc­tion d’un vivre ensemble. Le rôle de l’école est pour­tant essen­tiel : déve­lop­per chez le jeune la capa­cité d’analyse, l’esprit critique et l’autonomie de juge­ment face à des choix éthiques, mais aussi lui donner les moyens d’être acteur de sa vie citoyenne et de ses choix. Il s’agit donc de renfor­cer la forma­tion citoyenne de tous les élèves : celle-ci sera fondée sur une approche philo­so­phique et une connais­sance histo­rique des reli­gions et des mouve­ments de pensée non-confessionnels.

Le débat actuel

Si un large consen­sus existe sur cette néces­sité, les avis divergent sur sa mise en œuvre ; certains esti­mant que cette forma­tion doit s’inscrire dans le système actuel des cours philo­so­phiques tandis que d’autres reven­diquent la créa­tion d’un cours distinct.

Si un large consen­sus existe sur cette néces­sité, les avis divergent sur sa mise en œuvre ; certains esti­mant que cette forma­tion doit s’inscrire dans le système actuel des cours philo­so­phiques tandis que d’autres reven­diquent la créa­tion d’un cours distinct.

C’est ainsi qu’il y a plusieurs mois déjà, la Ministre Marie-Domi­nique Simo­net avait proposé la créa­tion, tous réseaux confon­dus, dès le fonda­men­tal, d’un tronc commun à tous les cours de reli­gion et de morale. Celui-ci compren­drait trois grands axes : le ques­tion­ne­ment philo­so­phique, le dialogue inter­con­vic­tion­nel et l’éducation à la citoyen­neté active. Elle est rejointe, dans sa propo­si­tion, par les auto­ri­tés des cultes, qui présen­taient ensemble, récem­ment, un réfé­ren­tiel de compé­tences communes à l’ensemble des cours de reli­gion, une alliance inter­con­vic­tion­nelle, une appa­rence de légi­ti­mité permet­tant néan­moins de garder la main sur le dogme.

Le Centre d’Action Laïque, pour qui la forma­tion reli­gieuse est une affaire person­nelle rele­vant exclu­si­ve­ment de la sphère privée, estime par contre que cette option laisse trop d’interrogations. Il reven­dique le carac­tère facul­ta­tif des cours philo­so­phiques. Une telle possi­bi­lité est léga­le­ment possible, comme l’ont récem­ment confirmé trois éminents consti­tu­tion­na­listes. Les deux heures à nouveau dispo­nibles seraient utili­sées pour dispen­ser un cours commun inti­tulé « Éduca­tion philo­so­phique, éthique et citoyenne », dispensé à tous les élèves, sans les sépa­rer, pendant toute leur scola­rité obligatoire.

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