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Mara Barreto,
chargée de projets – Santé et fin de vie pour Liages asbl.
L’euthanasie après 20 ans de loi
En 2002, le législateur belge a adopté trois lois ayant un impact incontestable sur le droit médical en général et sur les décisions médicales en fin de vie en particulier : la loi sur les droits du patient, la loi relative aux soins palliatifs et celle relative à l’euthanasie.
Cette dernière reconnaît, sous certaines conditions1, le droit à la demande d’euthanasie. Elle offre aux médecins un cadre juridique lorsqu’une personne, atteinte d’une affection grave et incurable et souffrant de manière inapaisable, désire mettre un terme à sa vie. La loi énonce ainsi que l’acte doit être posé par un médecin et qu’il s’agit bien d’une mort volontaire.
Le médecin doit s’assurer que trois conditions essentielles soient réunies. La demande doit être réfléchie et réitérée, formulée indépendamment de toute pression extérieure. Suite à une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, la personne se trouve dans une situation médicale sans issue. Enfin, cette affection lui cause des souffrances d’ordre physique ou psychique inapaisables (pour un mineur, la loi ne mentionne pas les souffrances psychiques). Cette loi ne s’applique pas en cas d’arrêt de traitement ou de décision de ne pas entamer un traitement. Dans ces cas, le médecin n’interrompt pas délibérément la vie. Ces actes tombent sous le champ d’application de la loi relative aux droits du patient2. Quant à la loi relative aux soins palliatifs3, elle dispose que tout patient a droit à des soins palliatifs lorsqu’il se trouve à un stade avancé ou terminal d’une maladie grave, évolutive, quelle que soit son espérance de vie. La demande d’euthanasie et les soins palliatifs sont deux droits distincts et non opposables, voire complémentaires, qui appartiennent au patient.
La loi relative à l’euthanasie envisage deux situations : celle où le patient est conscient au moment où une euthanasie pourrait être pratiquée et celle où il est inconscient. Lorsqu’il est conscient, la loi fait une distinction entre un décès à brève échéance ou non. Dans cette dernière hypothèse, elle renforce les conditions de procédure. La loi permet au médecin de pratiquer l’euthanasie sur une personne se trouvant dans un état d’inconscience irréversible dans la mesure où une déclaration anticipée d’euthanasie a été rédigée. Les actes d’euthanasie sont contrôlés a posteriori par la Commission d’évaluation et de contrôle de l’euthanasie, le médecin ayant l’obligation de déclarer toute euthanasie pratiquée. La loi se clôture par des dispositions particulières, dont le droit pour le médecin de refuser de pratiquer une euthanasie.
Elle offre aux médecins un cadre juridique lorsqu’une personne (…) désire mettre un terme à sa vie.
En ce qui concerne les modifications législatives les plus importantes intervenues depuis 2002, nous avons d’abord la loi de 20144 qui a élargi l’euthanasie aux mineurs. Comme pour les adultes, c’est le patient qui doit faire la demande et le médecin est obligé de consulter un autre médecin indépendant. Toutefois, les conditions d’application sont plus restrictives. L’acte peut avoir lieu si ses représentants légaux ont donné leur accord. L’euthanasie n’est possible que si le décès est prévisible à brève échéance. Un psychologue ou un pédopsychiatre doit établir la capacité de discernement du mineur et on exclut toute affection psychiatrique. La deuxième modification législative est plus récente, elle date de 20205 et elle concerne d’une part la déclaration anticipée d’euthanasie qui auparavant était limitée à 5 ans et qui aujourd’hui est à durée illimitée, et d’autre part la clause de conscience dont on a précisé qu’elle était individuelle et non pas institutionnelle. Cette loi a finalement imposé au médecin un délai de réponse de sept jours si son refus est basé sur une conception philosophique ou religieuse. S’il refuse pour une raison médicale, il doit en informer également le patient. Dans les deux cas, il doit lui transmettre les coordonnées d’un centre ou d’une association spécialisée en la matière et, à la demande du patient, transférer le dossier médical au médecin désigné par le patient (ou par la personne de confiance).
Une brochure pour tout comprendre sur la dépénalisation de l’euthanasie
L’asbl Liages du réseau Solidaris a réédité une brochure sur la loi de dépénalisation de l’euthanasie. Elle débute par un commentaire du texte légal avec explications, pour proposer ensuite un tour d’horizon de la loi par le biais de questions que toute personne est susceptible de se poser, à un moment ou l’autre de sa vie.
Disponible gratuitement sur demande au format papier ou téléchargeable sur le site de Liages.
- Loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie.
- Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
- Loi du 14 juin 2002 relative aux soins palliatifs.
- Loi du 28 février 2014 modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie, en vue d’étendre l’euthanasie aux mineurs.
- Loi du 28 mai 2022 visant à modifier la législation relative à l’euthanasie.