• Mara Barreto
    Mara Barreto
    chargée de projets – Santé et fin de vie pour Liages asbl.

L’euthanasie après 20 ans de loi

En 2002, le légis­la­teur belge a adopté trois lois ayant un impact incon­tes­table sur le droit médi­cal en géné­ral et sur les déci­sions médi­cales en fin de vie en parti­cu­lier : la loi sur les droits du patient, la loi rela­tive aux soins pallia­tifs et celle rela­tive à l’euthanasie.

Cette dernière recon­naît, sous certaines condi­tions1, le droit à la demande d’euthanasie. Elle offre aux méde­cins un cadre juri­dique lorsqu’une personne, atteinte d’une affec­tion grave et incu­rable et souf­frant de manière inapai­sable, désire mettre un terme à sa vie. La loi énonce ainsi que l’acte doit être posé par un méde­cin et qu’il s’agit bien d’une mort volontaire.

La demande d'euthanasie doit être réflé­chie et réité­rée, formu­lée indé­pen­dam­ment de toute pres­sion exté­rieure. La personne se trouve dans une situa­tion médi­cale sans issue et cette affec­tion lui cause des souf­frances d’ordre physique ou psychique inapai­sables. © Daniel Franco – Unsplash​.com

Le méde­cin doit s’assurer que trois condi­tions essen­tielles soient réunies. La demande doit être réflé­chie et réité­rée, formu­lée indé­pen­dam­ment de toute pres­sion exté­rieure. Suite à une affec­tion acci­den­telle ou patho­lo­gique grave et incu­rable, la personne se trouve dans une situa­tion médi­cale sans issue. Enfin, cette affec­tion lui cause des souf­frances d’ordre physique ou psychique inapai­sables (pour un mineur, la loi ne mentionne pas les souf­frances psychiques). Cette loi ne s’applique pas en cas d’arrêt de trai­te­ment ou de déci­sion de ne pas enta­mer un trai­te­ment. Dans ces cas, le méde­cin n’interrompt pas déli­bé­ré­ment la vie. Ces actes tombent sous le champ d’application de la loi rela­tive aux droits du patient2. Quant à la loi rela­tive aux soins pallia­tifs3, elle dispose que tout patient a droit à des soins pallia­tifs lorsqu’il se trouve à un stade avancé ou termi­nal d’une mala­die grave, évolu­tive, quelle que soit son espé­rance de vie. La demande d’euthanasie et les soins pallia­tifs sont deux droits distincts et non oppo­sables, voire complé­men­taires, qui appar­tiennent au patient.

La loi rela­tive à l’euthanasie envi­sage deux situa­tions : celle où le patient est conscient au moment où une eutha­na­sie pour­rait être prati­quée et celle où il est incons­cient. Lorsqu’il est conscient, la loi fait une distinc­tion entre un décès à brève échéance ou non. Dans cette dernière hypo­thèse, elle renforce les condi­tions de procé­dure. La loi permet au méde­cin de prati­quer l’euthanasie sur une personne se trou­vant dans un état d’inconscience irré­ver­sible dans la mesure où une décla­ra­tion anti­ci­pée d’euthanasie a été rédi­gée. Les actes d’euthanasie sont contrô­lés a poste­riori par la Commis­sion d’évaluation et de contrôle de l’euthanasie, le méde­cin ayant l’obligation de décla­rer toute eutha­na­sie prati­quée. La loi se clôture par des dispo­si­tions parti­cu­lières, dont le droit pour le méde­cin de refu­ser de prati­quer une euthanasie.

Elle offre aux méde­cins un cadre juri­dique lorsqu’une personne (…) désire mettre un terme à sa vie.

En ce qui concerne les modi­fi­ca­tions légis­la­tives les plus impor­tantes inter­ve­nues depuis 2002, nous avons d’abord la loi de 20144 qui a élargi l’euthanasie aux mineurs. Comme pour les adultes, c’est le patient qui doit faire la demande et le méde­cin est obligé de consul­ter un autre méde­cin indé­pen­dant. Toute­fois, les condi­tions d’application sont plus restric­tives. L’acte peut avoir lieu si ses repré­sen­tants légaux ont donné leur accord. L’euthanasie n’est possible que si le décès est prévi­sible à brève échéance. Un psycho­logue ou un pédo­psy­chiatre doit établir la capa­cité de discer­ne­ment du mineur et on exclut toute affec­tion psychia­trique. La deuxième modi­fi­ca­tion légis­la­tive est plus récente, elle date de 20205 et elle concerne d’une part la décla­ra­tion anti­ci­pée d’euthanasie qui aupa­ra­vant était limi­tée à 5 ans et qui aujourd’hui est à durée illi­mi­tée, et d’autre part la clause de conscience dont on a précisé qu’elle était indi­vi­duelle et non pas insti­tu­tion­nelle. Cette loi a fina­le­ment imposé au méde­cin un délai de réponse de sept jours si son refus est basé sur une concep­tion philo­so­phique ou reli­gieuse. S’il refuse pour une raison médi­cale, il doit en infor­mer égale­ment le patient. Dans les deux cas, il doit lui trans­mettre les coor­don­nées d’un centre ou d’une asso­cia­tion spécia­li­sée en la matière et, à la demande du patient, trans­fé­rer le dossier médi­cal au méde­cin dési­gné par le patient (ou par la personne de confiance).

Une brochure pour tout comprendre sur la dépé­na­li­sa­tion de l'euthanasie

L’asbl Liages du réseau Soli­da­ris a réédité une brochure sur la loi de dépé­na­li­sa­tion de l'euthanasie. Elle débute par un commen­taire du texte légal avec expli­ca­tions, pour propo­ser ensuite un tour d'horizon de la loi par le biais de ques­tions que toute personne est suscep­tible de se poser, à un moment ou l'autre de sa vie.

Dispo­nible gratui­te­ment sur demande au format papier ou télé­char­geable sur le site de Liages.


  1. Loi du 28 mai 2002 rela­tive à l’euthanasie.
  2. Loi du 22 août 2002 rela­tive aux droits du patient.
  3. Loi du 14 juin 2002 rela­tive aux soins palliatifs.
  4. Loi du 28 février 2014 modi­fiant la loi du 28 mai 2002 rela­tive à l’euthanasie, en vue d’étendre l’euthanasie aux mineurs.
  5. Loi du 28 mai 2022 visant à modi­fier la légis­la­tion rela­tive à l’euthanasie.
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