• Stéphane Mansy
    Stéphane Mansy
    coordinateur du Relais de La Louvière pour la régionale Picardie Laïque

L’impact de la crise de la covid-19 sur la situation des sans-abris

Depuis 2008, nous travaillons à La Louvière avec les personnes en situa­tion de grande préca­rité et de dénue­ment parfois extrême. En douze années, on constate une évolu­tion de la prise en charge qui devient de plus en plus complexe induite par une dété­rio­ra­tion protéi­forme du contexte. Les problé­ma­tiques se cumulent, s’alimentent et enferment les personnes en errance dans un déses­poir laby­rin­thique qui donne de moins en moins de pers­pec­tives fécondes.

Si notre approche singu­lière en termes d’assistance morale et d’émergence du sujet est essen­tielle pour nous, dans le but de tendre vers l’autonomisation, la symbo­li­sa­tion et le pouvoir d’agir des personnes, force est de consta­ter que cette volonté devient compli­quée à mettre en œuvre face aux détresses profondes rencon­trées sur le terrain qui augmentent un déla­bre­ment onto­lo­gique devenu compli­qué à répa­rer. Ce qui nous demande un inves­tis­se­ment cura­tif prégnant et néces­saire. 

La crise sani­taire a placé média­ti­que­ment en lumière une situa­tion que nous connais­sons malheu­reu­se­ment déjà trop bien dans notre secteur d’intervention bas-seuil, à savoir un accrois­se­ment continu et aggravé du sans-abrisme depuis des années. Si la remise en loge­ment reste une prio­rité pour les acteurs du secteur, il faut égale­ment savoir que cette piste peut conve­nir à certaines personnes mais pas à la globa­lité de notre public au quoti­dien. Il ne s’agit pas de lais­ser indé­fi­ni­ment les personnes à la rue mais de comprendre que le loge­ment n’est pas la pana­cée pour des personnes extrê­me­ment fragiles sur le plan mental et socio-affec­tif. La légi­ti­mité en rue de certaines personnes immer­gées dans le sans-abrisme – surtout chez les plus jeunes où la consom­ma­tion de produits psycho­tropes et d’alcool est consé­quente – reste une manière de garder du lien et de faire malgré tout société au sein d’un micro­cosme huma­ni­sant. L’isolement en loge­ment, s’il est préma­turé, pour­rait s’avérer contre-produc­tif pour l’émancipation de la personne et son équi­libre psycho­lo­gique. Chaque cas étant spéci­fique et singu­lier, ce sont bien mes collègues du terrain – ces experts du milieu – qui sont les mieux placés pour accom­pa­gner chaque personne, en respec­tant la volonté intrin­sèque de vouloir sortir de la rue ou de conti­nuer sa stabi­li­sa­tion dans l’instabilité de l’errance. Cela n’a rien d’antinomique mais cette approche en termes de liberté indi­vi­duel­le­ment garan­tie, de tempo­ra­lité adap­tée et d’espace rela­tion­nel intime vidé de la tyran­nie du résul­tat, permet un travail psycho­so­cial et d’assistance morale en phase avec chaque réalité exis­ten­tielle rencon­trée et chaque besoin humain circonscrit.

C’est pour­quoi non récla­mons un refi­nan­ce­ment adapté du secteur, pour répondre aux contin­gences actuelles et qui coïn­cide étroi­te­ment avec les spéci­fi­ci­tés d’accompagnement et d’accueil, dans un contexte de fragi­li­sa­tion compo­site redou­table pour les personnes à la rue. ♣♣♣

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