• Hervé Persain
    Hervé Persain
    président du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

Un quart de l’humanité vit sous le seuil de pauvreté. C’est le constat que faisait Hubert Reeves dans son livre paru au Seuil il y a une douzaine d’années : Je n’aurai pas le temps. La réflexion qui m’est venue à l’issue de ma lecture est celle-ci : à quoi bon être la seule forme de vie intel­li­gente à portée de nos obser­va­tions scien­ti­fiques et des moyens de commu­ni­ca­tion à dimen­sion astro­no­mique actuels pour en faire l’espèce capable de la plus grave préda­tion connue ? 

Sur la planète entière, tout est bon pour faire du profit. On répand des pesti­cides, fatals aux êtres vivants et à l’équilibre natu­rel, mais aussi aux humains que l’on sacri­fie au profit de ces préda­teurs qui récoltent les « fruits » de leur exploi­ta­tion des ressources colo­ni­sées qui ne devraient appar­te­nir à personne, mais dont tous les êtres vivants devraient béné­fi­cier. On cultive, soit pour se rassu­rer, soit pour oppri­mer, des certi­tudes reli­gieuses que l’on veut impo­ser à l’ensemble du genre humain, quitte à ne pas recon­naître comme membres celles et ceux qui n’y adhèrent pas ou refusent de s’y soumettre. Hubert Reeves tire la sonnette d’alarme : le taux actuel d’élimination des espèces est 100 à 1000 fois plus élevé qu’avant la période indus­trielle. 30 % des familles [du vivant] auront disparu avant la fin du XXIe siècle. L’absurdité réside dans le fait que les humains en sont la cause, les victimes poten­tielles et les sauveurs en puissance.

Deux scéna­rios possibles s’offrent à nous. Soit la dispa­ri­tion de l’humanité ou son affai­blis­se­ment : le futur de l’espèce humaine est en effet haute­ment incer­tain. Soit la reprise en main de leur desti­née par les humains : l’humanité ne peut attendre son salut que d’elle-même.

Cela ne vaut-il pas la peine, demande l’astrophysicien, de sauver l’humanité, vu les facul­tés dont elle a pu faire preuve et qu’aucune espèce animale n’a portées aussi loin : la curio­sité qui a débou­ché sur d’immenses progrès scien­ti­fiques ; la créa­ti­vité, qui a permis d’énormes progrès tech­no­lo­giques et artis­tiques ; et la compas­sion, car l’être humain, en géné­ral, prend soin de ses proches, des malades, et a lutté au fil des siècles contre l’esclavage imposé par d’autres humains, mais qui existe encore de nos jours, contre les discri­mi­na­tions qui ont traversé les âges, il a veillé au bien-être animal, adouci le malheur des autres, même si d’immenses lacunes demeurent.

L’humain est capable du pire comme du meilleur. Ses pouvoirs sont stupé­fiants et effroyables. Le choc vécu sur toute la planète en cette année 2020 ne pour­rait-il consti­tuer l’aiguillon pour inver­ser le cours des choses et convaincre le genre humain de préfé­rer et de prépa­rer un avenir qui béné­fi­cie à l’ensemble plutôt qu’à quelques privi­lé­giés, et qu’homo sapiens sapiens reprenne en main sa desti­née en impo­sant un droit univer­sel au bien-être et un prin­cipe d’équivalence dans l’accès aux dons que la Terre, de manière tout-à-fait excep­tion­nelle, met à la dispo­si­tion du vivant ? 

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