• Béatrice Ledoyen et Chantal Thomas
    Béatrice Ledoyen et Chantal Thomas
    membres de l'asbl Jubilación
Propos recueillis par Aline Kockartz

Jubilación : Un projet d’habitat groupé solidaire pour seniors à Liège

Fondée en 2015, l’asbl Jubilación promeut la création d’habitats groupés solidaires pour seniors. Il s’agit de mettre en œuvre les moyens pour améliorer et pour préserver la qualité de vie des seniors par la valorisation de l’autonomie positive (individuelle et sociale). 

L’association se préoccupe des questions liées à la longévité et l’amélioration de la santé qui ouvrent à la fois de nouvelles perspectives et des inquiétudes sur le vieillissement inéluctable. Elle soutient des projets innovants qui s’appuient sur des fondamentaux : d’une part, le souhait des seniors de rester le plus longtemps possible maîtres de leur vie en leur proposant des habitats groupés pour rompre l’isolement (dont beaucoup sont ou seront « victimes »), et d’autre part de partager avec les autres habitants des compétences qui améliorent les conditions de vie de toutes et tous. C’est donc associer l’autonomie positive à la solidarité.

Parce que la citoyenneté ne s’éteint pas avec l’âge et que le maintien des contacts sociaux a un impact sur le goût pour la vie, il est important que ces habitats soient ouverts sur le quartier de manière telle que les habitantes et habitants puissent participer à la vie de la cité selon leurs aspirations.

Enfin, ce projet d’habitats groupés pour seniors veut aussi garantir l’expression et l’acceptation de la diversité des approches culturelles et philosophiques de chacune et chacun. C’est dans cette perspective qu’il inscrit la laïcité au titre de ses valeurs fondatrices.


Entretien avec

Béatrice Ledoyen et Chantal Thomas

L’autonomie et la solidarité, dans le quotidien des seniors

Salut & Fraternité : La crise sanitaire a montré les limites de la vie en maison de repos. Est-ce que votre projet est porteur d’avenir pour le monde « d’après la crise de la covid-19 » ?

Chantal Thomas : Oui, je pense qu’il prend d’autant plus de sens dans le contexte actuel. On a entendu parler du rapport d’Amnesty International au sujet des maisons de repos suite au confinement1, Médecins sans Frontières avait également alerté et mis en place un soutien aux maisons de repos au plus fort de la crise. Ce qui s’est passé en Belgique est dramatique ! 

Béatriz Ledoyen : De plus, dans le contexte de la covid-19, les maisons de repos en tant qu’institutions ont dû se résoudre à appliquer quasi stricto sensu les directives érigées par le Conseil national de sécurité. Leur projet de vie, ainsi que l’avis des résidents et des familles, n’ont pas été pris en compte.

Dans les habitats groupés comme ceux que nous promouvons, les habitantes et habitants s’empareront des problèmes de santé publique et décideront des meilleurs moyens de mettre tout le monde à l’abri, et ce dans le respect des conseils ou obligations donnés aux citoyens. On a vu en cette période de confinement des quartiers entiers développer des solidarités inattendues. Les habitantes et habitants des habitats groupés tisseront leurs liens de solidarité.

C.T. : Dans nos projets, l’habitat formerait une « bulle » à l’intérieur de laquelle chaque personne aurait des contacts sociaux avec ses voisins tout en suivant les mesures de prévention pour protéger tout le monde. Cette manière de faire éviterait les phénomènes de glissement, c’est-à-dire que moins la personne âgée a de contacts sociaux, plus elle se laisse aller et glisse vers des états dépressifs ou, plus grave encore, s’éteint.

S&F : En quoi votre projet s’inscrit-il dans les valeurs de la laïcité ?

B.L. : Je dirais que c’est une volonté d’être ouvert à toutes et tous sans distinction de race, de sexe, de conceptions philosophiques et culturelles. Ce projet d’habitats groupés pour seniors veut garantir l’expression et l’acceptation de la diversité des approches culturelles et philosophiques de chacune et chacun, à l’image de notre société. Nous respectons les choix personnels mais n’acceptons pas le prosélytisme ou les pensées dogmatiques liberticides qui empêchent de penser « autrement ».

S&F : Où en sont ces projets d’habitats groupés ?

B.L. : Concrètement, un premier projet est en cours de réalisation. Pour aboutir, nous cherchons des partenaires publics qui comprennent notre philosophie et nos démarches. En effet, la question est forcément une question de politique sociale puisqu’il s’agit de réfléchir à l’avenir des seniors en élargissant le champ des possibles actuels. C’est pourquoi il faut innover et créer des projets accessibles à tous et toutes, ce en quoi ils se distinguent des projets privés.

C’est la raison pour laquelle l’association considère que les institutions publiques et sociales sont des partenaires privilégiés. Tôt ou tard, la nécessité de tels partenariats s’imposera aux yeux de tous et ces projets ne doivent pas s’éteindre au décès des habitants mais doivent continuer d’exister ! Le critère de pérennité est fondamental.

Nous insistons sur la nécessité de trouver les solutions les plus justes pour favoriser l’accessibilité à toute personne désireuse d’y vivre dans les conditions précisées dans une charte, que les habitants pourront développer selon leur approche de la collectivité, en respectant les critères de laïcité définis.

C.T. : En effet, ce sera aux habitants et aux habitantes de la maison de décider des moyens qu’ils et elles développeront dans leur charte de « maison » pour résoudre les questions les plus pratiques telles que, pour ne prendre que celle-là, la répartition des charges. L’égalité pour nous n’est pas « tout le monde à la même enseigne » mais bien de veiller à l’élaboration de critères d’accessibilité pour toute citoyenne et tout citoyen à un habitat groupé.

La charte initiale repose sur les valeurs de solidarité, de vivre ensemble, quelles que soient les conditions de santé, de revenus, de réalité dans la vie de chacune et chacun. De plus, cela permettra à celui ou celle qui s’occupe d’un proche d’être moins seul et d’avoir plus d’aide de la part des autres voisins solidaires.

B.L. : C’est même la raison d’être des coopératives et c’est une coopérative qui se profile pour la création de la première maison à Liège. À suivre donc. ♣♣♣


  1. www. Amnesty.be/infos/actualités/covid-Belgique.
  • jubilacion.liege@hotmail.com
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