• Pierre Galand
    Pierre Galand
    président de l’Association pour les Nations Unies (APNU)

Le sens même de la Déclaration universelle des droits de l’homme

DUDH

Article

Les 30 articles de la Décla­ra­tion Univer­selle des droits de l’homme (DUDH) ont chacun un sens et une approche parti­cu­lière des droits de toutes et tous mais aussi de chacune et de chacun. Ils s’enchaînent les uns aux autres pour former un tout cohé­rent que le préam­bule énonce avec clarté : « Consi­dé­rant que la recon­nais­sance de la dignité inhé­rente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inalié­nables consti­tue le fonde­ment de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde (…) »


En 1948, l’assemblée géné­rale des Nations unies procla­mait « la DUDH comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toute les nations afin que tous les indi­vi­dus et tous les organes de la société, ayant cette Décla­ra­tion constam­ment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation de déve­lop­per le respect de ces droits et liber­tés et d’en assu­rer, par des mesures progres­sives d’ordre natio­nal et inter­na­tio­nal, la recon­nais­sance et l’application univer­selle et effec­tive, tant parmi les popu­la­tions des États Membres eux-mêmes que parmi celles des terri­toires placés sous leur juridiction ».

Consta­tons que la Décla­ra­tion de 1948 met en avant la notion de dignité tandis que la précé­dente Décla­ra­tion des droits de l’homme et du citoyens, issue la révo­lu­tion fran­çaise de 1789, insiste sur le mot « Liberté », suivi de « Égalité » et « Frater­nité ». Avant d’être trop souvent réduit à son accep­ta­tion actuelle, « ma liberté chérie », ce concept de « Liberté » était l’expression de l’émancipation collec­tive, au sens où elle permit au peuple de briser les chaînes de l’oppression. C’est en son nom égale­ment que les peuples du grand Sud s’émanciperont du colo­nia­lisme. Les signa­taires de la DUDH en 1948 auraient-ils négligé cet aspect des choses ?

La Décla­ra­tion univer­selle des droits de l’homme est un idéal commun pour tous les indi­vi­dus de la planète quel que soit leur genre, leur origine ou leur natio­na­lité. CC-BY-NC-SA Flickr​.com – United Nations Photos

Et pour­tant, l’histoire des progrès de l’humanité, celle de son huma­ni­sa­tion par le haut, à l’exemple de l’accès pour tous les enfants à l’enseignement gratuit et de qualité, se conçoit avant tout comme une exigence d’égalité entre tous les membres de la collec­ti­vité sans distinc­tion. C’en devient une obli­ga­tion à charge de la commu­nauté. C’est mue par une telle ambi­tion paci­fique que l’humanité se libère et crée les espaces de liberté. Ne serait-il pas plus perti­nent de dire dès lors « égalité, liberté, fraternité » ?

De même, la frater­nité ou pour le dire autre­ment la soli­da­rité, qui doit s’exercer dans les rapports entre indi­vi­dus et de manière plus struc­tu­rée et pérenne au niveau collec­tif par les Nations et les insti­tu­tions inter­na­tio­nales, n’est-elle pas la condi­tion sine qua non pour assu­rer cette égalité ?

« Frater­nité, égalité, liberté » serait-il donc l’enchaînement logique permet­tant aujourd’hui aux indi­vi­dus de construire, recons­truire une société fondée sur la coopération

Il y aurait dès lors une certaine perti­nence à renver­ser l’ordre dans lequel énon­cer la devise afin de faire comprendre que sans la fraternité/solidarité, il y a peu de proba­bi­lité de promou­voir une réelle égalité citoyenne. De même que, sans un perma­nent effort pour créer les condi­tions d’une plus grande égalité, y a‑t-il une chance d’assurer la liberté de chacun ? « Frater­nité, égalité, liberté » serait-il donc l’enchaînement logique permet­tant aujourd’hui aux indi­vi­dus de construire, recons­truire une société fondée sur la coopé­ra­tion plutôt que sur la concur­rence et la compé­ti­tion déré­gu­lée ? Coopé­ra­tion permet­tant une lecture et une mise en œuvre de la DUDH qui nous obli­gera à un retour vers le respect des biens commun de l’humanité, vers une concep­tion du déve­lop­pe­ment partagé, de la redis­tri­bu­tion et de la protec­tion des ressources qu’elles soient sous forme de biens maté­riels ou immatériels.

Cette coopé­ra­tion néces­site l’association de gens probes et libres. Ainsi la boucle serait bouclée ouvrant la voie de l’inclusion et de l’accès à la démo­cra­tie pour l’ensemble des citoyens de la planète. En ce sens la DUDH est aujourd’hui encore, à la veille de ses 70 ans, un programme univer­sel d’une moder­nité remarquable.


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