• Sophie Lauerière
    Sophie Lauerière
    coordinatrice du planning familial de Fléron
  • Arnaud Van Egroo
    Arnaud Van Egroo
    animateur au plannig familial de Fléron
Propos recueillis par Dorothy Bocken

Le planning familial de Fléron : un centre local de proximité !

Le Centre de Planning familial de Fléron voit le jour en 1984. Cette heureuse initiative est le fruit du travail bénévole de femmes et d’hommes militants convaincus de l’importance d’informer localement sur les sujets inhérents à la vie relationnelle et affective, parmi lesquels la contraception. Ces militants laïques sont d’ailleurs restés très longtemps dans le conseil d’administration pour suivre son évolution, notamment lorsque celui-ci s’est professionnalisé grâce au décret de reconnaissance des centres de planning familial. L’arrivée des professionnels et, depuis 1999, le travail assidu de la petite équipe en place ont permis au centre de prétendre à de nouveaux subsides à l’emploi.

Le Planning de Fléron reste, à l’heure actuelle, le seul centre de proximité sur le territoire et accueille régulièrement des habitants des communes voisines, telles que Jupille ou Soumagne. Il est d’ailleurs capital de maintenir ce service pour la population locale pour qui se rendre à Liège n’est pas toujours envisageable.

Enfin, le centre est installé depuis dix ans à la même adresse, ce qui lui a permis de s’ancrer de façon stable. En dehors de ses missions d’accueil et de consultations sociales, psychologiques, juridiques et gynécologiques, il travaille en animations scolaires et extrascolaires dans le cadre de ses missions de prévention. Il travaille en collaboration avec les écoles primaires et secondaires de Fléron et alentours. Partons à la découverte de leur expérience de terrain !


Entretien avec

Sophie Lauerière

Arnaud Van Egroo

Les jeunes, la sexualité et la contraception

Salut & Fraternité : Quel est votre public et comment se passent les animations scolaires ?

Sophie Lauerière : Nous prenons en charge les demandes d’animation scolaire et extrascolaire,  le plus souvent à partir de la sixième primaire à la sixième secondaire, et ce dans le cadre de l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (ÉVRAS). L’animation, qui se déroule au sein de l’école, démarre, pour les plus petits, par le schéma corporel jusqu’au changement du corps à l’adolescence, abordé en fin de cycle. En secondaire, nous travaillons avec l’ensemble des classes dès la première année. De la sixième primaire à la deuxième secondaire, les groupes ne sont pas mixtes pour éviter les malaises et permettre de libérer davantage la parole. Mais il n’est pas rare que des classes de quatrième secondaire nous demandent de séparer filles et garçons, qui sont intimidés à l’idée de partager leurs questionnements. Il n’en reste pas moins que les groupes mixtes amènent une grande richesse d’échanges puisqu’ils questionnent des positionnements différents notamment par rapport à la sexualité et la contraception.

Il n’en reste pas moins que les groupes mixtes amènent une grande richesse d’échanges puisqu’ils questionnent des positionnements différents notamment par rapport à la sexualité et la contraception.

De notre point de vue, plus nous évoluons vers une société de l’image, où tout est accessible, visible, plus les jeunes ont besoin d’espaces intimes et personnels pour parler. Malgré cette banalisation et cet accès facile, les questions et réflexions des jeunes restent quasiment les mêmes. Bien entendu, nous menons d’autres actions : projections de films avec débats sur des thématiques qui rejoignent nos préoccupations, des actions de distribution de brochures et de kits spécifiques – notamment autour des 26 et 29 septembre, dates respectivement liées à la Journée de la Contraception et de l’IVG –, sensibilisations dans les galeries commerçantes ou dans les gares afin de faire connaître le secteur aux personnes que l’on ne touche pas forcément en animation.

CC-BY-NC-SA Flickr.com – Christian Gonzalez

S&F : Quel est le regard des jeunes sur la sexualité et la contraception aujourd’hui ?

S.L. et A.V.E. : Il est différent en première et deuxième secondaires. À cet âge-là, ils envisagent les relations sexuelles de façon lointaine, pas avant 16 ou 18 ans. À cette période de la puberté, il est important d’organiser des groupes non mixtes qui permettent un meilleur déroulement de l’animation. En effet, tandis que les filles envisagent la sexualité très sérieusement, comme un sujet dont on ne rit pas, les garçons en groupe sont plus enclins à en rire et à prendre le premier mot pour réagir. La majorité de leurs questions portent d’ailleurs sur le concret : comment cela se passe-t-il ? Que ressent-on ? La contraception, de leur côté, se résume au préservatif et à son utilisation pratique. Nous les invitons, s’ils le souhaitent, à passer au Centre pour venir en chercher et découvrir le planning de façon simple, un peu ludique et sans jugement. C’est une démarche qu’ils effectuent, le plus souvent en groupe, mais l’important pour nous est qu’ils poussent la porte une première fois.

Plus tard, à partir de la quatrième secondaire, certain(e)s ont déjà eu l’expérience d’une relation sexuelle. Nous échangeons différemment : l’approche émotionnelle est plus importante. De plus, nous organisons directement l’animation dans les locaux du planning. Cela permet de la réaliser dans un autre cadre que celui de la classe. Cela dédramatise et peut faciliter leur venue par la suite. Nous avons mis en place cette pratique suite aux retours des questionnaires d’évaluation qui indiquaient que la plupart des jeunes ne connaissaient pas le planning. Ils reviennent ainsi parfois plus tard, ou encore à l’âge adulte, en se souvenant de leur animation.

Il reste dans notre société, en 2016, une tolérance incroyable des filles qui acceptent l’ascendance des garçons – elles leur laissent le droit de décider quand, où et avec qui elles peuvent sortir – et des propos chez certains groupes de garçons qui placent encore la femme au service de l’homme.

S&F : Qui pousse la porte de votre planning ? Votre public est-il plus féminin que masculin ?

S.L. et A.V.E. : De façon générale, oui. Nous avons une fréquentation de 70 % de filles pour 20 % de garçons. Le reste se partage avec ceux qui viennent en couple ou avec un(e) ami(e). Mais la proportion sur les années change tant pour les consultations psychologiques, juridiques et autres que pour les dépistages IST (­Infections Sexuellement Transmissibles) et ­­Sida/VIH ou encore lorsqu’il s’agit de répondre aux questions relatives à leur développement qu’il pense parfois tardif ou anormal… Dans tous les cas, le combat pour l’égalité des genres est loin d’être fini. Il reste dans notre société, en 2016, une tolérance incroyable des filles qui acceptent l’ascendance des garçons – elles leur laissent le droit de décider quand, où et avec qui elles peuvent sortir – et des propos chez certains groupes de garçons qui placent encore la femme au service de l’homme. L’animation est utile à la réflexion et à la déconstruction de ces idées et ­comportements.

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