• Corinne Boüüaert
    Corinne Boüüaert
    médecin généraliste en maison médicale et au collectif Contraception de Seraing, maître de stage et chargée de cours émérite à l’ULg

Formation à l’avortement à l’ULg : enjeux et perspectives

L’ensemble des étudiants de Master 1 (3e année de médecine) reçoivent deux heures de cours sur la contraception et l’IVG dans leurs aspects médicaux surtout. Les aspects éthiques ne sont que peu pris en compte actuellement dans l’enseignement en tronc commun. Deux heures de cours supplémentaires sont prévues l’année prochaine.

Depuis près de 20 ans, des stages pratiques d’un mois accueillent des étudiants de Master 4 (dernière année de médecine générale) dans les Centres de planning IVG tout au long de l’année. Les étudiants y découvrent une pratique pluridisciplinaire (médecins, psychologues, assistants sociaux, accueillants) de professionnels qui y travaillent sur base volontaire. À côté de la qualité technique, l’accent est mis sur un accueil ouvert et déculpabilisant et un accompagnement médico-psychosocial. Depuis 2004, les étudiants en Master 4 (filière « médecine générale ») ont une journée de cours « Santé des femmes » sous forme d’ateliers interactifs en petits groupes sur la contraception et l’IVG, animés par des médecins et psychologues des centres extra-hospitaliers (CEH). Des mises en situation et des jeux de rôles suscitent le débat sur le libre choix des patients, le droit des femmes à disposer de leur corps, le droit des couples d’avoir « un enfant si on veut quand on veut » mais aussi sur la relation médecin-malade, parfois culpabilisante ou la banalisation d’un recours à l’avortement devenu « trop facile ». C’est parfois pour les étudiants la première fois qu’ils débattent librement de ces questions éthiques.

Ces deux modalités d’enseignement ont été très utiles pour faire connaître la pratique de l’IVG auprès de nombreux généralistes et gynécologues avec qui la collaboration est excellente. Elles ont permis aussi aux CEH liégeois de recruter des médecins généralistes pratiquant des IVG après une formation de six mois lors de leur assistanat.

Les futurs gynécologues ont une formation technique de l’IVG dans les hôpitaux comme Sainte-Rosalie ; l’accueil et le suivi psychologique des patientes sont réalisés par les infirmières. Ils suivent également des cours théoriques sur les aspects éthiques et déontologiques de la reproduction. La formation à l’IVG à l’Université de Liège a été le fait de quelques enseignants (généralistes et gynécologues) motivés et enthousiastes. C’est encore très insuffisant, mais les enjeux risquent de devenir encore plus importants dans un avenir proche.

Quel sera l’impact d’un examen d’entrée sur les compétences des futurs médecins en termes de réflexion éthique, de sens critique, de capacités relationnelles ? La réforme du tronc commun des études de médecine de 7 à 6 ans génère des incertitudes. On risque de réduire les cours « transversaux » (relation médecin-malade) ou éthiques (IVG, euthanasie) avec un cloisonnement accru entre spécialités. Or dans ces enjeux majeurs de société, la place au débat et à l’interdisciplinarité est essentielle et devrait d’ailleurs sortir du cadre de la Faculté de médecine pour s’ouvrir à d’autres professionnels de santé et à d’autres facultés (psychologie, sciences sociales). C’est une réflexion fondamentale si nous voulons que les médecins de demain ne soient pas seulement de bons techniciens mais pratiquent une médecine humaniste en prise avec les problèmes de la société.

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