- Julie Van der Kar,
responsable des grandes campagnes de sensibilisation au GSARA
Don qui choque !
Cher citoyen, vous souhaitez participer à une collecte de dons pour les exclus du chômage ? N’attendez plus ! En échange de 5 €, versés sur la plateforme de crowdfunding BizBizBoumBoum, vous recevrez une carte de remerciement de l’ensemble des exclus des allocations d’insertion, en échange de 50 €, vous deviendrez membre de « je parraine un chômeur1 » avec un t‑shirt dédicacé et en échange de 1000 €, la personne de votre choix recevra un contrat de travail.
Rassurez-vous, ce n’est pas encore pour aujourd’hui mais ce scénario fiction pourrait bientôt devenir réalité. À l’heure où le budget 2016 prévoit de grosses économies dans la gestion de la sécurité sociale, il serait imaginable de faire demain appel aux citoyens pour financer les universités, les crèches, le système des retraites, les médias publics,… Le crowdfunding est-il dès lors un moyen de trouver des recettes complémentaires ou sert-il à dédouaner les États de leurs responsabilités ? Le financement participatif offre de formidables opportunités mais au regard de projets comme « Un bateau pour les réfugiés2 », « Plein le sac3 » pour financer la scolarisation des jeunes adultes en détresse psychosociale, « Mon train, ma liberté4 » pour améliorer le service ferroviaire, n’assistons-nous pas à un transfert progressif de la responsabilité publique sur le dos de donateurs?? Bien qu’il représente un élan démocratique, il est à craindre une dictature du nombre et un risque de défavoriser la diversité et des contenus moins vendeurs.
Chercher l’adhésion du plus grand nombre, c’est aussi la mission que se donnent les grosses opérations médiatiques sur fond de spectacle, de mise en scène et de discours compassionnels. Pourquoi choisir telle cause (que ce soit lutter contre la pauvreté – RTBF, Viva for Life – ou aider la recherche en cancérologie – RTL, Télévie) plutôt qu’une autre ? Il revient désormais aux médias de sélectionner les causes à défendre. La générosité et l’engagement de chacun sont essentiels et rendent le monde meilleur. Ça ne fait aucun doute. Mais les dispositifs médiatiques à l’œuvre ne sont pas sans poser de nombreuses questions tant ils suscitent davantage de bons sentiments qu’une réflexion sur les enjeux, quasi inexistante. Tout aussi questionnante est la participation des représentants de l’État qui n’hésitent pas à donner un chèque face caméra ou à encourager le don des citoyens. La charité, imprévisible, fragile, sélective et déductible d’impôt ne peut se substituer à la solidarité, la coopération, la redistribution des richesses et la justice sociale. Chacun a sa propre conception du rôle de l’État mais les bons sentiments ne peuvent remplacer les bonnes politiques face aux défis du XXIe siècle.
- Réalisée dans le cadre d’une campagne de sensibilisation du GSARA (www.bizbizboumboum.com, vraie fausse plateforme de crowdfunding).
- fr.ulule.com/sosmed/
- fr.ulule.com/pleinlesac/
- www.kisskissbankbank.com/mon-train-ma-liberte-des-horaires-de-train-par-et-pour-vous