• Joëlle Sambi Nzeba
    Joëlle Sambi Nzeba
    responsable de la communication des Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS)

Cotiser selon ses moyens pour recevoir selon ses besoins !

En 2013, les Femmes Prévoyantes Socia­listes (FPS) lancent une action grand public autour du thème de la sécu­rité sociale. Dans ce cadre, Joëlle Sambi Nzeba a coor­donné la sortie de L’INAMIcale, la gazette asociale, un jour­nal d’anticipation qui imagine une Belgique sans sécu­rité sociale. Il en illustre les avan­tages conquis il y a plus de 60 ans, qui sont aujourd’hui mena­cés. Cette campagne, fruit d’un parte­na­riat avec Soli­da­rité Socia­liste, a pour objec­tif d’interpeller le citoyen sur les enjeux de ce dispo­si­tif soli­daire et de l’interroger sur ses propres idées reçues.

Salut & Frater­nité : Pour­quoi avoir réalisé cette gazette ?

Joëlle Sambi Nzeba : Au lende­main de la mise en place du gouver­ne­ment actuel, la sécu­rité sociale a été remise en ques­tion par des discours ultra-libé­raux. Ces argu­men­taires capi­ta­listes, accom­pa­gnés de propos erro­nés, n’étaient pas neufs, mais il nous a semblé les entendre plus souvent. Nous avons alors mis sur pied une vaste campagne dans laquelle s’inscrit ce jour­nal. L’INAMI­cale nous plonge dans un monde sans sécu­rité sociale, où écra­ser les autres serait la tech­nique qui fonc­tionne. Une société où les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. À travers cette action, nous avons voulu d’une part, dénon­cer par l’absurde les discours tels que « marre de payer pour les autres, moi je ne tombe jamais malade?! » et d’autre part, donner des clés pour comprendre les méca­nismes de ce système complexe et indis­pen­sable. Les articles, faits divers et inter­views mettent en avant chaque aspect de la sécu­rité sociale en Belgique (assu­rance-chômage, congés payés, pension, assu­rance-mala­die, etc.) et montrent comment leur absence peut avoir de lourdes consé­quences sur notre quoti­dien. En Belgique, chacun contri­bue à hauteur de ses possi­bi­li­tés avec la garan­tie que s’il rencontre l’une ou l’autre diffi­culté (mala­die, perte d’emploi, etc.), le système lui vien­dra en aide, quelle que soit sa situa­tion. La sécu­rité sociale est une assu­rance solidaire.

S&F : La sécu­rité sociale « à la belge » présente encore des inéga­li­tés. Quelles sont vos pistes pour l’améliorer ?

J.S.N. : En tant que mouve­ment fémi­niste, nous avons égale­ment attiré l’attention sur les inéga­li­tés de genre que la sécu­rité sociale perpé­tue malgré tout. Nous pensons, par exemple, que l’individualisation des droits, où « un coti­sant = un droit » est la solu­tion à bon nombre d’inégalités. Actuel­le­ment, selon le statut (marié, isolé, coha­bi­tant légal), les droits sont diffé­rents. Nous reven­di­quons la suppres­sion des statuts discri­mi­na­toires qui octroient aux assu­rés des montants d’allocations diffé­rents en fonc­tion de leur mode de vie. Par exemple, lorsqu’une personne vit offi­ciel­le­ment en couple, les droits de l’un sont dimi­nués (chômage, assu­rance mala­die,…) parce qu’on table sur une soli­da­rité de fait (dans ce cas, de la part du conjoint). Ce qui peut par exemple avoir pour effet pervers de pous­ser l’un ou l’autre à se domi­ci­lier ailleurs pour conti­nuer à béné­fi­cier d’allocations complètes.

Nous souhai­tons égale­ment la mise en pratique d’une véri­table stra­té­gie de gender mains­trea­ming1 qui encou­ra­ge­rait une poli­tique plus égali­taire face aux injus­tices sociales subies par les femmes depuis plus de 60 ans (pension, salaire, accès au marché du travail, etc.). Un exemple courant : après un accou­che­ment, pendant le congé de mater­nité et éven­tuel­le­ment le congé paren­tal, pris la plupart du temps par la femme, ses reve­nus dimi­nuent consi­dé­ra­ble­ment ce qui a pour effet direct de dimi­nuer son auto­no­mie finan­cière et sa pension. Ces inéga­li­tés sociales peuvent mener à une préca­ri­sa­tion inquiétante.

Tout le monde devrait coti­ser en fonc­tion de ses moyens et rece­voir en fonc­tion de ses besoins dans le cadre d’une sécu­rité sociale obli­ga­toire et acces­sible à tous.

La prio­rité des FPS est de main­te­nir une sécu­rité sociale forte, qui ne cherche pas le profit et qui retourne direc­te­ment aux affi­liés, portée exclu­si­ve­ment par les pouvoirs publics, sans action­naire privé. Contrai­re­ment aux assu­rances privées, devant lesquelles nous ne sommes pas tous égaux (couver­tures diffé­rentes, obten­tion de prime, etc.), la sécu­rité sociale doit être égali­taire et soli­daire. Tout le monde devrait coti­ser en fonc­tion de ses moyens et rece­voir en fonc­tion de ses besoins dans le cadre d’une sécu­rité sociale obli­ga­toire et acces­sible à tous.


  1. Le gender mains­trea­ming, ou approche inté­grée de la dimen­sion de genre, est une stra­té­gie qui a pour ambi­tion de renfor­cer l’égalité des femmes et des hommes dans la société, en inté­grant la dimen­sion de genre dans le contenu des poli­tiques publiques (défi­ni­tion de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes)
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