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Plusieurs centres de planning familial
EVRAS : les plannings laïques en première ligne
La Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF) compte de nombreux centres actifs sur le territoire provincial. Leurs missions sont multiples : proposer des consultations psychologiques, sociales, médicales ou juridiques mais aussi des dépistages d’infections sexuellement transmissibles (IST). Quiconque en pousse la porte peut aussi trouver des informations sur la contraception, les violences au sein du couple, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ou la prévention des IST. Ils peuvent également pratiquer l’avortement si leur structure le permet.
Depuis un peu plus de dix ans, ces centres ont également parmi leurs fonctions de se rendre dans des classes de primaire et de secondaire pour animer des groupes dans le cadre de l’Éducation à l’EVRAS, une mission aujourd’hui renforcée. Une belle occasion pour eux de discuter avec les jeunes des thématiques évoquées plus haut.
Certains de ces centres de planning familial sont également membres du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège : le Centre de Planning familial de Herstal (C.P.F.H.), le Centre Louise Michel (C.L.M.), Choisir Huy Planning et Famille (C.H.) et La Famille heureuse de Verviers (L.F.H.V.).
Nous sommes allés à leur rencontre pour en savoir davantage sur leur travail en matière d’EVRAS. Nous vous invitons à découvrir une mosaïque des expériences de terrain qui reflètent les réalités actuelles.
Plusieurs centres de planning familial
EVRAS : des animations pour créer des dialogues francs et sereins !
Salut & Fraternité : Quelles sont les préoccupations des jeunes (et/ou des enfants) en matière de sexualité ? Celles-ci ont-elles évolué ?
C.P.F.H. : Il n’y a pas beaucoup de changement au niveau des préoccupations des jeunes, si ce n’est qu’elles arrivent un peu plus tôt. Notre hypothèse : ils sont confrontés aux réseaux sociaux, à Internet et voient beaucoup d’images sexuelles passer. Ils se posent la question de savoir s’ils sont normaux. Il y a un peu moins de tabous mais il en reste encore au niveau des stéréotypes de genre. On peut avoir l’impression que les jeunes ont des rapports sexuels plus tôt, parce qu’ils sont davantage confrontés à la pornographie, mais l’âge du premier rapport sexuel n’a pas changé depuis plus de 25 ans.
L.F.H.V. : Nous remarquons souvent chez les jeunes une absence de connaissance et de compréhension de leur propre corps. Les jeunes s’inquiètent également des maladies qui peuvent toucher leur système reproducteur, des douleurs qui peuvent être ressenties et ont besoin de partager leurs inquiétudes. Nous les aidons à détecter quand quelque chose devient préoccupant.
C.H. : Au-delà des thématiques « classiques » (contraception, IST, grossesse désirée ou non, etc.), nous nous rendons compte que les jeunes ont surtout aussi besoin d’un espace bienveillant où ils peuvent déposer leurs inquiétudes, notamment par rapport à la sphère relationnelle (limite[s] entre l’amour et l’amitié, consentement, connaissance de soi, comment se faire des amis, comment faire plaisir à l’autre, le respect de soi et des autres, …). Les thématiques du harcèlement et du cyberharcèlement, notamment via les nudes, sont également souvent mentionnées.
C.L.M. : Les préoccupations des jeunes ne changent pas, même si le contexte a évolué : le premier rapport sexuel, apprendre à aimer, interrogations sur « la normalité » (seins, règles, masturbation, taille du sexe, désirs, culpabilité par rapport à la sexualité, etc.). Les questions relatives au consentement, au harcèlement et à des contenus relatifs à l’EVRAS arrivent maintenant depuis les réseaux sociaux (notamment TikTok), et c’est nouveau. Le patriarcat et les rapports hommes-femmes ainsi que le genre sont des sujets fréquemment abordés. Nos animations ont donc pour but d’outiller les jeunes en matière d’esprit critique.
S.&F. : Quels sont les défis pour demain en matière d’EVRAS ?
C.P.F.H. : Nous essayons de nous former continuellement pour donner des outils sur la prévention des violences sexuelles et conjugales par l’apprentissage du respect de soi-même et sur le parallèle entre le consentement sexuel et l’estime de soi. La déconstruction des idées fausses que les enfants et adolescent·es trouvent sur Internet/les réseaux sociaux, tels que la pornographie, est un autre défi. Il serait pertinent d’aborder des thèmes comme le savoir vivre ensemble, le respect, la gestion de la frustration et la réflexion sur une société inclusive où certains seraient plus ouverts par rapport aux stéréotypes de genre qui restent un point « noir ».
L.F.H.V. : Les adultes sont parfois convaincus que parler de sexualité, c’est pousser à la sexualité. Or, il a été démontré que les jeunes qui ont la possibilité d’aborder le sujet de la sexualité avec des adultes de confiance utilisent plus les moyens de contraception et vivent leurs premières relations de façon plus sereine et responsable, quand ils sont prêts. La société et les réseaux sociaux véhiculent énormément d’images sexualisées : ils y sont constamment confrontés, souvent contre leur gré. Il est nécessaire de leur amener des éléments plus réalistes et un espace de discussion dans un cadre bienveillant pour aborder tout ce qu’ils peuvent vivre.
C.H. : Depuis les périodes de confinement, aller à la rencontre des jeunes nous semble être un enjeu encore plus primordial qu’auparavant. Par le passé, les centres de planning familial ont souvent eu la casquette « sexualité ». Aujourd’hui, l’accent doit être placé également sur nos autres sphères, à savoir : l’aspect relationnel et affectif, car nous nous rendons compte qu’elles sont intimement connectées. Ce qui fait une recette de l’EVRAS, c’est un juste équilibre entre ces trois ingrédients.
C.L.M. : Créer des projets cohérents où toute l’équipe éducative est impliquée et convaincue de l’intérêt mais aussi amener de la légèreté lors des animations pour dédramatiser constituent des défis pour poser un cadre de travail serein. Nous sommes des tiers, une force pour ouvrir le dialogue, et occupons une position à part : celle d’un lieu-ressource stable autre que la famille et les médias ou les réseaux sociaux. La professionnalisation de l’EVRAS et la formation continue, les questions qui génèrent de la spécialisation (validisme, intersectionnalité, LGBTQIA+, etc.) sont également des points d’attention.
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