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Pierre Waaub,
enseignant et conseiller technique sur le Pacte pour un enseignement d’excellence pour la FGTB-Enseignement
Le savoir, c’est le pouvoir. Le tronc commun, c’est le savoir pour tous
Le tronc commun, ça change tout. Ce qu’il y a d’intéressant dès qu’on pose le principe d’un tronc commun jusqu’à 15 ans, c’est qu’on doit se poser autrement la question des savoirs et compétences à acquérir. Il s’agit de conduire tous les élèves, ensemble, depuis la maternelle jusqu’au moment d’un choix d’orientation reporté à 15 ans, à acquérir un bagage de savoirs et compétences exigeant, certes, mais commun. Cela met les spécialistes des disciplines devant un défi qu’ils connaissent mal : construire un parcours pour tous dont les contenus ne se justifient que s’ils sont utiles pour tous et peuvent apparaître comme tels aux yeux de tous. Il ne s’agit plus d’avancer en séparant, ce qui autorisait à définir un minimum pour ceux qui lâchent (les enfants des pauvres et des précaires) et un maximum pour les autres. Il s’agit d’être exigeant sur le choix de ce qu’on apprendra.
Pour le dire avec un exemple « classique » : si le latin est utile dans le tronc commun, alors il doit être utile pour tous, et la question devient « qu’est-ce qui est utile dans l’apprentissage du latin et comment va-t-on faire pour que cela soit utile à tous ? » et non plus « comment le latin peut-il servir à certains pour se distinguer ? ». Ou pour le dire avec un exemple plus « carré » : quels sont les contenus mathématiques qui sont utiles à tous pour comprendre le monde et non plus quels sont les contenus mathématiques qui permettent de repérer les faibles et feront les forts en bout de parcours, influant de manière décisive sur les choix possibles pour la suite ? Et enfin comment pourrons-nous prétendre construire un parcours commun si nous n’y convoquons pas un parcours artistique et culturel, des sciences sociales, politiques et économiques, l’éducation au numérique et une éducation technologique ?
De même, cela implique de se poser la question des interactions des disciplines entre elles. D’abord parce que chaque fois qu’une d’entre elles prend de l’importance dans le cursus des élèves, cela signifie qu’une autre en perd, et ensuite parce que c’est souvent dans leur relation à une autre discipline que des savoirs et compétences disciplinaires prennent de l’importance pour les apprentissages communs à tous. L’environnement, la technologie, la construction d’une pensée, d’une compréhension du monde, sont aux confluents de plusieurs disciplines, tant du point de vue des savoirs que des compétences à mobiliser. Et c’est presque « naturellement », d’abord pour ne pas surcharger l’horaire des élèves, mais aussi ensuite parce que les savoirs et compétences disciplinaires prennent sens ensemble, que la réflexion sur les contenus du tronc commun ouvre sur des espaces, des temps d’apprentissage qui, tout en mobilisant clairement des savoirs et des compétences disciplinaires, favorisent des approches pluridisciplinaires et interdisciplinaires.
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