- Frédéric Delsemme,
animateur au sein de l’association « Le Monde des Possibles »
webradio : un outil d’insertion
Fédérée au Centre d’Action Laïque de la Province de Liège, L’asbl « Le Monde des Possibles » est une association qui a notamment pour but d’accueillir les personnes primo-arrivantes et d’œuvrer au respect de leurs droits, de donner à toute personne en situation d’exil un accompagnement social, de sensibiliser l’opinion publique à l’accueil des étrangers et de combattre toutes les formes de racisme et de discrimination… Elle s’occupe également d’enseigner le français langue étrangère et l’informatique.
Parmi ses concrétisations, « Le Monde des Possibles » a déjà développé une webradio au sein de l’école primaire de Basse-Wez. Rebondissant sur le succès rencontré par ce projet et profitant de l’appel à initiative lancé cet été par le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège, l’association propose de créer et de faire vivre une webradio et un mediablog mais en travaillant cette fois avec une vingtaine de jeunes adolescents d’origine étrangère du quartier du Longdoz, à Liège, et dont les parents sont reconnus réfugiés ou en cours de demande d’asile. En offrant cet outil d’expression, l’association souhaite principalement permettre aux élèves ne maîtrisant pas toujours correctement la langue française de progresser à l’oral et d’atteindre les objectifs du socle commun des compétences défini par la Fédération Wallonie-Bruxelles en les plaçant dans une position d’acteur de leurs apprentissages.
Nous avons rencontré Frédéric Delsemme, animateur du projet Webradio au sein de l’association « Le Monde des Possibles ».
Frédéric Delsemme
Une Webradio pour apprendre à maîtriser le français
Salut & Fraternité : D’où vient l’idée de la webradio ? Comment s’est-elle mise en place ?
Frédéric Delsemme : Nous sommes totalement convaincus de l’utilité pédagogique d’un outil comme la webradio en contexte scolaire. Quand j’ai été chargé de mettre ce projet sur pied, j’ai rapidement pensé au travail de Jacques Duez, professeur de morale et réalisateur, qui filmait ses échanges avec ses élèves, et entre ceux-ci, suscitant ainsi discussions, débats et réflexions. À l’époque, j’étais vraiment touché par son travail. J’ai donc proposé de partir sur l’idée d’ateliers philosophiques à l’école communale Basse-Wez (à Liège NDLR), qui avait déjà manifesté son intérêt pour que nous réalisions une activité au sein de leur établissement. Au mois d’avril 2011, nous avons donc entamé ces ateliers philosophiques avec 27 élèves issus des classes de 3e et 4e primaires. Je précise que nous travaillons avec beaucoup de primo-arrivants : parmi ces 27 élèves, il y a 20 nationalités différentes, ce qui implique que certains enfants ne parlent pas correctement le français. Nous avons créé, par le jeu, des groupes hétérogènes, et les enfants ont très vite accroché au projet. Étant issu du secteur audiovisuel et culturel, je suis donc arrivé avec cet environnement sonore qui nous entoure, avec l’idée de le découvrir et de le remplir par des choses importantes. Cette démarche amène les enfants à prendre conscience que le micro, le « bâton de parole », sert à dire des choses importantes. Les enfants ont ensuite commencé, par le biais d’activités diverses, à pratiquer l’interview : le bâton de parole qu’ils avaient au départ pour eux pouvait être tendu vers quelqu’un d’autre.

S&F : Quels résultats avez-vous obtenus ?
F.D. : En fin d’année scolaire, nous avons constaté que tous les objectifs que nous nous étions fixés étaient atteints. Les enfants ont exprimé l’importance qu’ils donnaient à la pensée, à la réflexion sur des sujets donnés, sur des échanges, sur le bien-être que cela leur procurait. La timidité de certains enfants s’était effacée et des contacts s’étaient établis entre eux. Dès la fin de l’année passée, ils ont développés un « esprit d’entreprise ». Par exemple, dernièrement une gamine est arrivée avec des livres. Elle les a distribués et a ensuite expliqué à ses camarades pourquoi elle aimait la lecture, pourquoi c’était important de lire… Je leur laisse maintenant la possibilité de parler de tout ce dont ils ont envie. Nous avons déjà abordé la mort (sans que ce soit quelque chose de dramatique…) mais aussi la mode, l’écologie, la nature, la musique… Cette année, nous pratiquons davantage la réécoute des enregistrements avec l’aide d’une enseignante, dans le but d’arriver à une certaine autoévaluation. Nous avons aussi établi des règles parmi lesquelles on laisse la possibilité aux enfants de ne pas diffuser des sujets abordés au sein du groupe s’ils n’en ont pas envie. Il s’agit là d’une prise de conscience importante qui nous a par ailleurs amenés à traiter du thème « doit-on tout dire ? » Nous avons alors parlé d’Internet, de Facebook… Il est important qu’ils aient conscience que ce qui est diffusé est accessible au monde entier.
S&F : Quel est le but concret de la webradio ?
F.D. : Il s’agit de favoriser la liberté d’expression et de valoriser la parole de l’élève. Lorsque les enfants écoutent les reportages, ils sont accompagnés de leur famille, leurs amis… Ils se découvrent en s’exprimant mais aussi à travers les regards des autres, et retrouvent une valorisation extérieure dont ils me font part. Une enseignante me disait dernièrement que je lui apprenais des choses sur ces enfants qu’elle fréquentait pourtant tous les jours. Moi, je ne suis pas enseignant : il n’y a pas de cotation, pas de bonne, ni de mauvaise parole. Il n’y a même pas de contrainte puisqu’ils ne sont pas obligés de faire de la radio… Je précise aussi qu’à la base, le projet, tel qu’il est financé par la Fondation Roi Baudouin et la Fondation Telenet, c’est la réduction de la fracture numérique. Ici, nous développons un comportement où l’individu sera acteur et non pas simple consommateur.
S&F : Vous prévoyiez d’étendre, de développer une webradio avec des adolescents. Qu’en est-il ?
F.D. : Notre travail auprès des ados du quartier est en cours d’élaboration. Nous voulons créer cette webradio en impliquant des élèves et des enseignants des écoles du quartier. Nous capitaliserons les expériences et ferons la promotion d’une transdisciplinarité en utilisant le Mediablog pour évaluer les élèves, s’ouvrir davantage sur l’extérieur ou étendre le projet aux autres établissements de Liège. La philosophie du Mediablog sera d’être avant tout un espace collaboratif. La Webradio sera un moyen concret de découvrir le monde professionnel. L’adolescent préparera en amont un questionnaire qu’il proposera à divers professionnels sous la forme d’interview enregistrée.
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