• Robert Deschamps
    professeur aux Facultés Universitaires de Namur

« Parmi les quatre mieux financés au monde »

Le finan­ce­ment de l’enseignement est-il suffi­sant ? Pour répondre à cette ques­tion, il faut dispo­ser d’un critère objectivable. 


En effet, les besoins auxquels un pays, ou une Commu­nauté, doit répondre sont nombreux, et jamais plei­ne­ment satis­faits car les moyens finan­ciers sont limi­tés : on ne finan­cera jamais trop la santé, les pensions, l’enseignement, la sécu­rité, le niveau de vie des allo­ca­taires sociaux, etc. En ce sens, le finan­ce­ment de l’enseignement n’est pas suffi­sant. Mais finan­cer plus un besoin signi­fie finan­cer moins les autres. Où mettre la barre ? La seule approche possible est de compa­rer avec les autres pays.

Le critère géné­ra­le­ment retenu pour esti­mer le niveau de finan­ce­ment de l’enseignement est de consi­dé­rer la part de leur revenu que les citoyens d’un pays consacrent, via l’impôt, à l’enseignement. Plus préci­sé­ment, on mesure la part des dépenses publiques d’enseignement dans le revenu total, en l’occurrence dans le Produit inté­rieur brut (PIB) : si cette part est plus élevée dans un pays que dans un autre, cela signi­fie que les citoyens du premier pays consacrent plus de leur revenu (via l’impôt) à l’enseignement que dans le deuxième pays, et donc moins aux autres besoins ; si cette part augmente, cela signi­fie que l’enseignement est rela­ti­ve­ment plus financé et donc que les autres besoins le sont rela­ti­ve­ment moins.

Qu’en est-il de l’enseignement en Commu­nauté fran­çaise ? L’OCDE publie chaque année des compa­rai­sons inter­na­tio­nales rela­tives à la part dans le PIB des dépenses publiques allant aux établis­se­ments d’enseignement, et ce pour les pays indus­tria­li­sés. Dans le rapport 2011 de l’OCDE, la Belgique figure en 4e posi­tion (6,3%), derrière la Norvège (7,3%), l’Islande (7,2%) et le Dane­mark (6,5%). Des calculs détaillés font appa­raître que la Commu­nauté fran­çaise se situe au dessus de la Commu­nauté flamande, vrai­sem­bla­ble­ment au niveau du Dane­mark. Notre ensei­gne­ment figure ainsi parmi les quatre les mieux finan­cés au monde. On ne peut donc pas repro­cher à nos conci­toyens de trop peu finan­cer, via l’impôt, leur ensei­gne­ment ; on ne peut pas non plus repro­cher aux déci­deurs poli­tiques d’affecter dans les budgets trop peu de moyens à l’enseignement en compa­rai­son avec les autres besoins.

Qu’en est-il du nombre d’enseignants ? Le taux d’encadrement (rapport enseignants/élèves) dans le primaire est chez nous nette­ment plus favo­rable que la moyenne euro­péenne. Dans le secon­daire, il est plus favo­rable que dans tous les pays, à l’exception du Portu­gal et du Luxem­bourg, et de 40% supé­rieur à la moyenne de France – Alle­magne – Pays-Bas. Il est donc para­doxal que nous souf­frions d’une pénu­rie d’enseignants.

D’où provient en fait le senti­ment de pénu­rie ressenti par beau­coup d’enseignants ? La part de dépenses desti­nées aux établis­se­ments d’enseignement fonda­men­tal et secon­daire qui ne va pas aux salaires, mais bien au fonc­tion­ne­ment et aux bâti­ments est très faible chez nous. Il n’est donc pas surpre­nant que l’état des bâti­ments soit préoc­cu­pant ni que les direc­teurs et les ensei­gnants se plaignent de la maigreur des budgets finan­çant les dépenses courantes dans les écoles ; ceci explique large­ment l’impression de sous-finan­ce­ment ressenti à ce niveau.

Malgré un ensei­gne­ment parmi les mieux finan­cés et enca­drés, les perfor­mances ne sont malheu­reu­se­ment pas à la hauteur ; nous nous clas­sons mal par rapport à bien d’autres pays qui financent moins leur ensei­gne­ment, et loin derrière la Flandre. La ques­tion centrale est celle de l’organisation de notre système d’enseignement, qui souffre de défauts l’empêchant d’évoluer et d’être aussi perfor­mant qu’ailleurs. Ce n’est pas l’objet de cet article.


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