- Hervé Persain,
Président f.f. du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège
Le mot du président
« Il n’existe pas de meilleure arme pour diriger le peuple que la superstition. » Spinoza, dans son Traité des autorités théologique et politique, évoquant le pouvoir de Moïse fondé sur son autorité de droit divin, explique dans l’Exode que, pour soumettre les Hébreux à ses édits, il « introduisit la religion dans l’État, pour que le peuple fît son devoir plus par dévotion que par crainte »1.
Si la religion n’a pas cessé depuis de constituer un outil aux mains de certains pouvoirs pour diriger les peuples, un nouvel outil est apparu dans le monde moderne, qui prend racine avec l’apparition des nouvelles techniques de typographie dans l’imprimerie, que nous devons à Gutenberg dès la moitié du XVe siècle. C’est le début des médias de grande diffusion, qui permettent de transmettre un message à une population qui dépasse le cercle restreint des destinataires des quelques exemplaires que l’on devait auparavant aux copistes. L’évolution technologique de l’impression, puis l’apparition de la radio, de la télévision, et surtout de nos jours d’Internet, ont multiplié à chaque étape la portée des nouveaux supports.
Un principe de base de toute démocratie est la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. À ce principe incontournable, bien que trop souvent contourné, les défenseurs du principe de laïcité ont ajouté l’indispensable séparation des Églises et de l’État.
Il s’avère incontournable également de veiller à maintenir une distance entre les pouvoirs étatiques et les médias, considérés comme un quatrième pouvoir. Les médias sont en effet utilisés par certaines autorités pour exercer des pressions sur les peuples, pour influencer leur perception des enjeux socio-économiques ; les médias constituent alors des entraves au nécessaire esprit critique des citoyens.
Les fonctions d’information et de communication sont allègrement confondues, alors que seule la première, pour peu que les règles éthiques soient respectées, peut amener la population à porter un regard autorisé, documenté, intelligent sur tout ce qui constitue son cadre de vie, la société dans laquelle il vit, agit, manifeste son opinion, exerce son devoir citoyen. La seconde est au service de ceux qui l’utilisent, le message reflétant le point de vue et servant les objectifs de l’émetteur, non forcément les intérêts du récepteur.
Le Président Sarkozy, tombé dans la soupe médiatique depuis sa plus tendre enfance, a compris très tôt tout le bénéfice qu’il pouvait tirer des médias : il les a non seulement utilisés pour servir ses intérêts politiques, mais il les a aussi façonnés à son image en exerçant son influence sur les désignations mais également sur le métier des journalistes et des responsables des organes de presse français.
L’éthique n’autorise pas cette tendance présente aussi dans notre presse belge, selon laquelle les titres des articles dénaturent le message, dans le seul but d’accrocher le regard des acheteurs potentiels, surtout dans un mode de vie où l’on se limite trop souvent aux intitulés pour se représenter la réalité. Les titres doivent refléter le contenu, non prendre le contrepied pour sacrifier au sensationnalisme. Cela devient alors de la désinformation, et la désinformation ne permet plus à la presse d’exercer son devoir de contrôle sur les autres pouvoirs qui fondent la société.
Le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège a construit un outil de sensibilisation et d’éducation aux enjeux des médias écrits, radiodiffusés, télévisés et de l’internet. L’exposition « Voyage au centre de l’information », qui était présentée à l’Espace Laïcité de Waremme, analyse les travers à éviter dans cet univers médiatique, et insiste sur l’esprit critique indispensable dans le décodage de l’information omniprésente dans notre monde contemporain. Nous vous invitons à venir la découvrir lors de ses prochains déplacements. N’hésitez pas à l’accueillir dans vos propres lieux d’exposition2. Elle constitue une excellente approche à destination des étudiants et de tous les citoyens.
- « Traité des autorités théologique et politique », in Spinoza, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1954, p. 686.
- Elle sera présentée prochainement à Huy, Welkenraedt et Charleroi. Plus d’infos sur le site http://voyage-info.be/