• Julie Van der Kar
    Julie Van der Kar
    responsable des grandes campagnes de sensibilisation au GSARA

« Facebook te fiche, ne t’en fiche pas »

Avec ses quelque 500 millions d’utilisateurs à travers le monde, Face­book est vu comme le troi­sième pays au monde derrière la Chine et l’Inde. Les Belges ne sont pas en reste : un inter­naute sur deux y serait membre. Toute­fois, de trop nombreux inter­nautes semblent encore igno­rer les consé­quences de ce qu’ils racontent sur Face­book. Faute d’une éduca­tion adap­tée, d’une légis­la­tion appro­priée et du manque de trans­pa­rence des admi­nis­tra­teurs sur les réels enjeux, les inter­nautes se retrouvent trop souvent victimes de leurs propres actions, les uns par incons­cience des consé­quences poten­tielles, les autres selon une forme d’idéologie, de la trans­pa­rence ou de l’existence virtuelle.

Sans vouloir diabo­li­ser Face­book et nier ses nombreux atouts, nous cher­chons, en tant que mouve­ment d’éducation aux médias, à infor­mer, conscien­ti­ser et respon­sa­bi­li­ser les inter­nautes sur les enjeux, la face cachée et les dérives de Face­book. Pour que chaque utili­sa­teur puisse se créer sa propre opinion en toute connais­sance de cause et pour ne pas regret­ter d’avoir fait don d’informations person­nelles à une entre­prise commer­ciale non soucieuse de la protec­tion de la vie privée et du respect des liber­tés indi­vi­duelles. Face­book promet un monde plus ouvert et trans­pa­rent, une meilleure compré­hen­sion et meilleure commu­ni­ca­tion. Mais un tel réseau est-il réel­le­ment « social » ?

Rien de tel que de commu­ni­quer à propos de Face­book sur une page Face­book… tout en prenant le risque de se faire radier du réseau, à l’instar de nombreux acteurs du Net ! Car il faut savoir que sans aucune mise en demeure préa­lable, sans aucun aver­tis­se­ment, Face­book suspend ou radie des comptes, de manière parfai­te­ment subjec­tive et arbitraire.

Par cette campagne, nous souhai­tons égale­ment susci­ter un meilleur usage des réseaux sociaux (à cet égard, il est toujours conseillé de lire les condi­tions d’utilisation), voire promou­voir des alter­na­tives telles que les réseaux sociaux Open Source1 qui méritent d’être soute­nus. Dans cette pers­pec­tive, nous avons réalisé un spot vidéo et un blog repre­nant une série d’articles sur le respect de la vie privée, le ciblage des inter­nautes, la possi­bi­lité de traçage et de profi­lage commer­cial, sur la diffi­culté de suppri­mer son profil, sur la géolo­ca­li­sa­tion, sur le puri­ta­nisme sous-jacent, sur la suppres­sion de profils ainsi que sur quelques conseils et règles d’or pour proté­ger sa vie privée et son anony­mat. Paral­lè­le­ment au blog, nous avons créé à cette occa­sion une page Face­book consa­crée à la campagne. Rien de tel que de commu­ni­quer à propos de Face­book sur une page Face­book… tout en prenant le risque de se faire radier du réseau, à l’instar de nombreux acteurs du Net ! Car il faut savoir que sans aucune mise en demeure préa­lable, sans aucun aver­tis­se­ment, Face­book suspend ou radie des comptes, de manière parfai­te­ment subjec­tive et arbitraire.

Liberté d’expression ? Deux poids, deux mesures

La suppres­sion de propos jugés subver­sifs ou provo­ca­teurs sur base de dénon­cia­tions, ou sur le contrôle de modé­ra­teurs, serait monnaie courante. Ce constat a été le déclen­cheur et le déto­na­teur de la campagne. Tout porte à croire que la plupart des chan­sons de Gains­bourg et les textes de Lautréa­mont, Sade ou Artaud, … seraient censu­rés sur les réseaux sociaux. Cela pose de réelles ques­tions quant à la liberté d’expression. Peu d’entre nous en sommes conscients. Face­book reflète un modèle de puri­ta­nisme améri­cain où l’appel à la violence choque moins qu’une publi­cité pour des préser­va­tifs (montrant des lapins recons­ti­tués avec des préser­va­tifs), par exemple, qui s’est vu suppri­mée. Dans la même veine, une femme en train d’allaiter son enfant est consi­dé­rée comme porno­gra­phique. Face­book crie au scan­dale dès l’instant où l’on peut voir le mame­lon. Para­doxa­le­ment, de nombreux profils peu démo­cra­tiques appe­lant à la haine et à la violence ont voix au chapitre. A se deman­der ce qui est consi­déré comme le plus obscène…

Dans la même veine, une femme en train d’allaiter son enfant est consi­dé­rée comme porno­gra­phique. Face­book crie au scan­dale dès l’instant où l’on peut voir le mame­lon. Para­doxa­le­ment, de nombreux profils peu démo­cra­tiques appe­lant à la haine et à la violence ont voix au chapitre. A se deman­der ce qui est consi­déré comme le plus obscène…

La protec­tion de la vie privée, un « problème de vieux cons » ?

Au regard de la mise à nu volon­taire des inter­nautes, surtout des jeunes, dite la « géné­ra­tion des trans­pa­rents », nous avons jugé fonda­men­tal de mener une telle campagne et de miser sur l’éducation (qui doit aussi passer par l’école). À les entendre dire « Je n’ai rien à cacher, c’est le prix à payer pour béné­fi­cier des nouvelles tech­no­lo­gies », le droit à la vie privée serait une notion désuète pour les jeunes. Mais il ne faudrait pas oublier que le concept de la vie privée protège l’individu. Il lui assure la protec­tion contre l’intrusion (l’intrusion des autres, de l’autorité) dans la sphère qui consti­tue sa personnalité.

  1. Diaspora Project, Apple­seed. La licence Open Source, ou licence libre, est un contrat par lequel le titu­laire des droits d’auteurs défi­nit les condi­tions d’utilisation d’un produit ou d’une oeuvre qu’il a réalisé comme redis­tri­buable et modi­fiable libre­ment par des tiers en suivant des condi­tions parti­cu­lières comme la cita­tion de la source et de l’auteur originel.
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