• Stéphane Hauwaert
    Stéphane Hauwaert
    coordinateur du service Animation

De la responsabilité individuelle à l’éducation aux médias

Les constats de base qui ont amené le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège à travailler la ques­tion de l’esprit critique face aux médias, au travers de la concep­tion de l’exposition « Voyage au Centre de l’Info », étaient simples, évidents même : nous sommes enva­his par les infor­ma­tions aussi diverses que variées, solli­ci­tées ou non. Il est devenu diffi­cile de tout véri­fier, de tout appro­fon­dir. Certains s’en trouvent dému­nis et désem­pa­rés, ce qui peut parfois mener à un certain fata­lisme, à des raccour­cis, voire en arri­ver à accu­ser systé­ma­ti­que­ment les médias de « mani­pu­la­teurs », « vendus » ou « respon­sables » de bien des maux…

Au fil des obser­va­tions, lectures et réflexions qui ont jalonné les étapes de notre travail, nous avons dégagé une série de constats. Des constantes qui peuvent nour­rir la réflexion de tout un chacun sur cette proli­fé­ra­tion quoti­dienne d’informations, et favo­ri­ser des réflexes critiques simples qui permettent de mieux s’y retrouver.

L’importance et l’urgence de propo­ser un programme clair, concret et réflé­chi d’éducation aux « médias » dans le système scolaire dès l’enseignement fonda­men­tal, sont de plus en plus admises. Mais chacun peut, à son niveau, sans deve­nir expert et sans prétendre à une connais­sance exhaus­tive, s’armer pour décryp­ter l’information ; et par là-même, en   opti­mi­ser la portée et en comprendre les imperfections.

Mais comme toujours, une problé­ma­tique complexe n’a pas de solu­tion simpliste. Il est impor­tant de le souli­gner dans un envi­ron­ne­ment où pullulent slogans, messages directs, raccour­cis sédui­sants et se voulant « efficaces »…

Les prin­cipes de base de la commu­ni­ca­tion, quels que soient leurs vecteurs, n’ont pas fonda­men­ta­le­ment changé depuis que l’Homme commu­nique. (…) Il en est de même pour les médias, puisqu’ils sont alimen­tés, gérés et diffu­sés par des personnes, qui, elles aussi, sont soumises à des contraintes, des réali­tés profes­sion­nelles et personnelles.

Les prin­cipes de base de la commu­ni­ca­tion, quels que soient leurs vecteurs, n’ont pas fonda­men­ta­le­ment changé depuis que l’Homme commu­nique. L’objectivité abso­lue n’existe pas et n’a jamais existé. Serait-elle par ailleurs souhai­table ? Il en est de même pour les médias, puisqu’ils sont alimen­tés, gérés et diffu­sés par des personnes, qui, elles aussi, sont soumises à des contraintes, des réali­tés profes­sion­nelles et personnelles.

Le citoyen a aussi sa place dans le proces­sus, en tant que récep­teur de ces infor­ma­tions d’une part, mais égale­ment en tant que relais. Il filtre ce qu’il reçoit, l’interprète et le diffuse à son tour, à son échelle. Rien de nouveau sous le soleil de l’information ? Sans doute pas autant que les annonces presque quoti­diennes de « révo­lu­tions » voudraient nous le faire croire. Reste qu’un élément semble tout de même avoir déci­si­ve­ment modi­fié le paysage aujourd’hui, et il nous semble impor­tant de nous y attar­der : l’instantané.

Quand on évoque les nouvelles tech­no­lo­gies de l’information, un mot est sur toutes les lèvres : Inter­net. Comme les autres médias, le réseau des réseaux est une caisse de réso­nance de la réalité. On pour­rait s’interroger : miroir défor­mant, ampli­fi­ca­teur, incon­tour­nable évolu­tion ? Si on en croit les prévi­sions des plus opti­mistes tech­no­philes, Inter­net s’invitera bien­tôt partout, il est déjà dans nos télé­phones… On lit tout et son contraire sur ce nouveau vecteur d’informations, et chacun s’en fera sa propre opinion.

Ce qui a changé avec l’avènement d’Internet dans un nombre de foyers sans cesse gran­dis­sant de par le monde, c’est cette ques­tion de l’instantané. On promet aux utili­sa­teurs qu’ils vont être au courant de tout, en temps réel (l’expression est plus que large­ment usitée sur les sites d’informations). Ils peuvent, s’ils le dési­rent, rece­voir en direct, jusque sur leur « smart­phone », des dépêches dès que celles-ci sortent des agences de presse.

Cela crée de nouveaux impé­ra­tifs et de nouvelles réali­tés de travail pour les jour­na­listes et acteurs de l’information sur le Web. Cela implique égale­ment une certaine perte de recul par manque de temps de réflexion, et parfois des infor­ma­tions qui sont diffu­sées sans véri­fi­ca­tion éten­due. Une fois de plus, il ne s’agit pas spécia­le­ment d’un phéno­mène nouveau, mais il prend d’autres proportions.

Qui préten­dra n’avoir jamais relayé une infor­ma­tion sans la véri­fier, sur le coup de l’attendrissement, de l’émotion ou simple­ment d’un acte qu’il pensait citoyen ? Fort heureu­se­ment, qui dit diffu­sion rapide dit égale­ment endi­gue­ment, tout aussi rapide, des rumeurs et désin­for­ma­tions par des citoyens ou des orga­nismes vigi­lants. « Hoax­bus­ter » et « hoax­killer » en sont deux exemples parmi les plus connus. Des démarches de véri­fi­ca­tion que l’on peut faci­le­ment effec­tuer soi-même lorsque l’on tombe sur une infor­ma­tion qui semble plau­sible, excep­tion­nelle par certains aspects ou simple­ment suspecte, avant de la relayer.

Lorsque l’on relaie une infor­ma­tion par Inter­net, notam­ment par le biais de réseaux sociaux, on prend part en un simple clic à la proli­fé­ra­tion de cette infor­ma­tion. Le prin­cipe du « Buzz » fonc­tionne sur ce mode. La publi­cité virale aussi. Rien n’étant tota­le­ment anonyme et tout lais­sant des traces sur l’Internet une fois diffusé, autant le savoir ! Mais vigi­lance ne doit pas rimer avec excès de méfiance ! Le Web a encore tout récem­ment montré, en Tuni­sie et en Egypte notam­ment, un formi­dable poten­tiel en termes de sensi­bi­li­sa­tion, d’information ou de mobi­li­sa­tion à grande échelle. Il est donc souhai­table d’utiliser au mieux ces outils, il est encore mieux de le faire de façon réflé­chie et responsable.

Celui qui cherche à s’informer peut, en recou­pant les infor­ma­tions, par l’esprit critique, la véri­fi­ca­tion simple des sources et tout en gardant une ouver­ture d’esprit suffi­sante, deve­nir à son niveau un acteur du grand jeu de l’information. À tel point que de simples citoyens ont parfois pris le pas sur les orga­nismes offi­ciel­le­ment recon­nus pour la diffu­sion de l’information.

Chacun à son niveau de compé­tence, d’implication ou non dans la vie collec­tive peut donc, s’il le décide, jouer un rôle dans le trai­te­ment quoti­dien de la masse d’informations et ses réper­cus­sions, dans la sensi­bi­li­sa­tion à l’esprit critique et l’éducation aux médias.

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