• Julie Marin
    Julie Marin
    animatrice en éducation permanente Soralia Verviers
Propos recueillis par Aline Kockartz

Soralia, pour une société féministe, égalitaire et solidaire !

En 2022, le mouvement Les Femmes Prévoyantes Socialistes célébrait 100 ans de militance et devenait Soralia. Ce nom rassemble les valeurs fondamentales de l’association : la solidarité, la sororité, le respect et le fait d’inclure les alliés dans le mouvement féministe. Il réaffirme le combat pour une société plus féministe, plus égalitaire, plus solidaire, plus progressiste, plus inclusive et laïque.

À l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars 2023, l’association a également participé à la Cycloparade féministe, qui fut un véritable succès. Avec les collègues de la Fédération des Centres de planning familial solidaires (Sofélia), Soralia a profité de cette date pour rappeler que la suppression du statut de cohabitant·e est une condition nécessaire, urgente et juste pour sortir une multitude de femmes de la pauvreté.

Dans le courant de l’année 2023, Soralia Liège concrétisera le projet de fresque féministe à Liège avec un groupe de femmes et les artistes du collectif 7e gauche, en partenariat avec la Maison Arc-en-ciel de Liège. Les actions de l’association se poursuivent également par les animations en éducation permanente avec les groupes d’adultes, sur différents thèmes comme la santé, la répartition des tâches au sein des familles et l’individualisation des droits sociaux.


Entretien avec

Julie Marin

Lutter contre l’appauvrissement des femmes

Salut & Fraternité : La mesure du Statut de cohabitant·e a été prise dans les années 1980 pour des raisons budgétaires. On parlait à l’époque du « revenu rouge à lèvres ». À quel modèle de société renvoyait-il à cette époque ?

Julie Marin : Il s’agissait d’un modèle de société paternaliste et sexiste. En effet, à l’époque, les familles se composaient majoritairement d’un mari qui travaille et d’une épouse qui reste au foyer pour s’occuper du ménage et des enfants. Cette conception est aujourd’hui plus qu’archaïque et complètement étriquée. D’une part, les femmes se sont battues pour avoir le droit de travailler et elles le font pour la plupart, en plus des tâches domestiques qu’elles sont toujours majoritaires à remplir. Et, d’autre part, les configurations familiales ont aussi évolué : familles monoparentales, homoparentales, familles recomposées, personnes vivant seules, etc., sont devenues monnaie courante.

Ce statut de cohabitant·e est obsolète, inégalitaire et nuisible pour les femmes. Ce sont elles qui en héritent en majorité parce qu’au sein du couple, la charge des enfants et du ménage reste une histoire de femmes, ce qui les encourage ou les oblige à rester à la maison ou, au moins, à diminuer leur temps de travail. Et lorsqu’elles travaillent, elles sont employées majoritairement dans des secteurs où elles n’ont pas d’autres choix que de travailler à temps partiel (secteur du nettoyage, des soins de santé, de la vente, de la petite enfance, etc.) et où les contrats sont précaires (bas salaires, contrats de courte durée, horaires flexibles, etc.).

Toutes ces raisons cantonnent les femmes dans la dépendance économique à leur mari ou conjoint.

S&F : Il s’agit d’un combat mené par le mouvement féministe depuis 40 ans. Ce modèle n’a donc pas évolué ?

J.M. : Ce modèle n’a pas changé malgré notre mobilisation depuis plus de 40 ans. L’objectif de la création de ce statut était de faire des économies dans la Sécurité sociale, et ces économies sont réalisées sur le dos des femmes. Le statut de cohabitant·e est un frein considérable à l’égalité entre les hommes et les femmes dans notre pays. Il maintient les femmes dans un lien de dépendance économique vis-à-vis de leur conjoint, mais en plus il constitue un réel obstacle pour celles qui souhaiteraient quitter le domicile, que ce soit par choix, nécessité ou sécurité.

C’est aussi une discrimination de percevoir un montant plus faible parce qu’on est cohabitant·e alors qu’on a cotisé comme les autres à la Sécurité sociale. D’autre part, les personnes cohabitantes sont traquées et surveillées au quotidien. Les contrôles organisés par certaines institutions (ONEM, Inami…) ne respectent pas le droit à la vie privée. Supprimer ce statut permettrait aux travailleuses et travailleurs sociaux de se consacrer à leur mission d’accompagnement des personnes en difficulté et de réduire la méfiance à l’égard de ces mêmes institutions. Les pertes financières liées au statut de cohabitant·e empêchent les personnes de choisir en toute liberté avec qui vivre (parent, enfant, partenaire de vie…), de partager leur quotidien et de s’entraider et, par là-même, d’envisager d’autres formes d’habitat, de lutter contre le mal-logement et l’isolement social.

Chaque année, Soralia se mobilise autour du 25 novembre dans le cadre de la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes. © Soralia

S&F : Quelles sont les revendications aujourd’hui ?

J.M. : Soralia se bat pour que nous puissions bénéficier d’une protection sociale féministe, plus égalitaire et inclusive. Pour ce faire, la suppression du statut de cohabitant·e doit devenir une priorité politique. D’une manière plus générale, notre revendication est d’accéder à l’individualisation des droits sociaux afin que nos droits ne soient plus conditionnés à une tierce personne. Chaque adulte se construit des droits propres et non plus liés à la famille. Il est important que le politique se saisisse, à l’horizon 2024, de cette revendication forte. Face à la crise énergétique et à l’inflation du coût de la vie, la suppression du statut de cohabitant·e constitue un levier efficace de lutte contre l’appauvrissement. N’hésitez pas à nous rejoindre sur la plateforme stop-statut-cohabitant.be et à signer la pétition pour en finir avec le statut de cohabitant·e !

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