- Pierre Smet,
co-fondateur du Collectif21, psychanalyste au service de santé mentale d’Evere
Quel avenir et quels enjeux pour le secteur associatif ?
Il est essentiel, quand on se penche sur le secteur associatif et ses spécificités, de réfléchir sur ce qu’est le temps, et quel rapport le secteur entretient-il avec celui-ci : le temps informel occupe une place centrale, prendre du temps pour donner une place à l’humain est consubstantiel au lien social, socle s’il en est de l’activité associative.
Or, les logiques de projet en cours depuis l’entrée paradigmatique de l’État social actif reposent sur des indices de quantification et d’évaluation. Comment, dans ce contexte, prendre en compte la place de l’informel ? Comment avoir et prendre le temps, notamment pour ce qui est inattendu ? La poursuite d’objectifs en tant que finalité de travail et non comme éventuel moyen met particulièrement à mal ces dimensions. L’avenir associatif, tel qu’il est défini par les politiques publiques en cours, semble inexorablement se dessiner sous la forme de plans, programmes, indicateurs… dont les principaux acteurs sont parfois dépossédés voire non-informés. Certes, des lieux de concertation, comme les conseils consultatifs, ont été mis en place entre les travailleuses et les travailleurs de terrain, les administrations et les cabinets ministériels. On observe malheureusement combien le dialogue, voire la rencontre est difficile. Or, tout comme l’informel, la concertation demande du temps.
« Sans but de lucre », jusqu’à quand ?
Si l’on s’interroge sur l’avenir de la spécificité du secteur associatif, et qu’on le met en parallèle avec l’essor de l’économie sociale notamment, on constate rapidement que nous sommes à un tournant majeur en ce qui concerne la mention « sans but lucratif ». Avec l’émergence de « nouvelles économies », qu’il s’agisse de la résurgence de la solidarité dite « chaude », de mise en place d’économie locale, etc., on peut s’interroger : Quel va être l’avenir de ces différents mouvements et comment vont-ils interagir ? Faut-il craindre une concurrence et si oui, faut-il la juguler ? Qu’est-ce que le secteur a à perdre et à gagner dans la diversification des structures qui amenuise la frontière entre marchand et non marchand ?
Privatisation et fonction associative
Une donnée concrète importante qui caractérise en effet les associations sans but lucratif (asbl) est de correspondre aux critères de la loi pour obtenir des subsides, ou encore obtenir un agrément de l’État. Or, paradoxalement l’État pousse à une privatisation. N’y a‑t-il pas là une atteinte à la vie démocratique et aux devenirs des missions publiques ? Les missions publiques sont-elles désormais toutes à vendre ? Comment l’associatif va-t-il participer ou non à ce mouvement ? Derrière ces questions qui peuvent paraître techniques, il y a lieu de se demander ici dans quel avenir nous voulons vivre et quelle histoire, en tant que société, nous voulons écrire.
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