• Sophie Van Malleghem
    Sophie Van Malleghem
    coordinatrice de projet à la Fondation Roi Baudouin
Propos recueillis par Arnaud Leblanc

Le monde associatif face à la crise sanitaire ?

Sophie Van Malle­ghem est coor­di­na­trice de projet à la Fonda­tion Roi Baudouin dans le domaine de l'engagement socié­tal. Chaque année, la fonda­tion travaille avec des milliers d'associations sans but lucra­tif (asbl), près de 3 800 en 2020. Elle dispose donc d'une vue d'ensemble et de données objec­tives sur le milieu asso­cia­tif et sa santé économique. 

Salut & Frater­nité : Comment le monde asso­cia­tif a‑t-il traversé la crise sani­taire liée à la covid-19 ? 

Sophie Van Malle­ghem : En 2020, la Belgique comp­tait près de 150 000 asso­cia­tions dont 20 000 employeuses, 60 000 compo­sées exclu­si­ve­ment de béné­voles, et 70 000 struc­tures dormantes. Au moment des premiers impacts de la crise, nous avons comman­dité une étude IPSOS auprès de 700 orga­ni­sa­tions que nous avons relayée sur le site bonnes​causes​.be.
Ainsi, de mars à septembre 2020, alors que depuis 10 ans, le secteur était stable avec une légère crois­sance des reve­nus, avec la crise, 49 % des asso­cia­tions inter­ro­gées faisaient état de situa­tions finan­cières dégra­dées contre 19 % en 2019. Presque une sur deux a connu des retom­bées immédiates.

Vu les circons­tances, cela reste faible. En Belgique, plus de 60 % des asbl béné­fi­cient de subsides publics. L'État délègue et subsi­die volon­tai­re­ment un grand nombre de ses missions à l'associatif. Mais, outre ce finan­ce­ment, beau­coup d'asbl proposent une acti­vité commer­ciale. Si l’on prend l'exemple des asbl actives dans le secteur de l'aide au déve­lop­pe­ment, beau­coup d'entre elles génèrent des reve­nus par le biais de maga­sins. Ces derniers ont été fermés pendant la crise, entraî­nant une baisse des rentrées. Dans les premiers temps, les recettes marchandes ont en moyenne dimi­nué pour 65 % des asso­cia­tions et les dons de parti­cu­liers ainsi que les coti­sa­tions des membres de plus de 30 %. Cela a été encore plus consé­quent pour la culture et les loisirs.
Malgré la dégra­da­tion, l’étude montre que 90 % des orga­ni­sa­tions ont réussi à répondre à leurs obli­ga­tions de paie­ment. Cela témoigne d’une appa­rente soli­dité du secteur et d’une effi­ca­cité des mesures tempo­raires instau­rées par l'État.

L'étude pointe, dans un deuxième temps, une certaine forme de créa­ti­vité et de rési­lience de l'associatif qui a pu trou­ver comment conti­nuer certaines acti­vi­tés néces­saires, comment en arrê­ter certaines et en pour­suivre d'autres. A contra­rio bien sûr, certaines caté­go­ries ont connu une augmen­ta­tion de leurs acti­vi­tés. Les secteurs des soins de santé et de l'aide sociale ont eu plus à faire pendant cette période.

© Tim Marshall – Unsplash​.org

S&F : Et quel a été l'impact sur les bénévoles ?

S.V.M. : Les personnes béné­voles font partie de l'ADN d'une struc­ture asso­cia­tive. 60 000 orga­ni­sa­tions en sont unique­ment compo­sées dans notre pays. Au début de la crise, 33 % des asbl ont vu le nombre de leurs volon­taires dimi­nuer de moitié. Les raisons sont évidentes. En Belgique, un béné­vole sur trois a plus de 60 ans et la covid-19 a imposé un isole­ment plus impor­tant pour cette tranche de la popu­la­tion. Certes, ils n'ont pas été complè­te­ment désin­ves­tis, mais ils n'ont plus pu être aussi actifs sur le terrain que ce qu'ils auraient voulu.

S&F : Comment les asso­cia­tions se sont-elles adaptées ?

S.V.M. : Nombre d'associations ont pu trans­po­ser leurs acti­vi­tés ou leurs ateliers en ligne. Une asso­cia­tion active dans le soutien scolaire aux jeunes sourds et malen­ten­dants a ainsi adapté son aide aux étudiants en présen­tiel vers des cours en ligne avec des traduc­tions simul­ta­nées. Il y a donc des dyna­miques qui se sont complexi­fiées. Des solu­tions créa­tives ont été trou­vées alors qu'un enjeu essen­tiel de ces asso­cia­tions est l'accessibilité de leurs acti­vi­tés pour des publics souvent plus fragiles.

On note aussi des actions plus spon­ta­nées dans l'entraide et la soli­da­rité ainsi que la consti­tu­tion de nombreuses asso­cia­tions de fait pour répondre à des exigences nouvelles provo­quées par la situa­tion sanitaire.

S&F : Au regard de cette crise, qu'avons-nous appris sur le tissu social et asso­cia­tif de notre société ?

S.V.M. : Je retiens que c'est un secteur sur lequel on peut comp­ter. Les personnes qui s'y inves­tissent sont rare­ment rému­né­rées à hauteur de leur niveau d'études. Pendant la crise, le secteur asso­cia­tif s'est montré présent et, quand il a pu trou­ver les ressources néces­saires, il a répondu à ses obli­ga­tions et a conti­nué ses acti­vi­tés. Chapeau à toutes les femmes et tous les hommes sur le terrain. C'est eux qui font le secteur associatif.

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