• Philippe Defeyt
    Philippe Defeyt
    économiste

Pour consolider la protection sociale il faudra choisir

Les hommes et les femmes de progrès ont une (très) longue shopping list de revendications et de projets politiques : éradiquer la pauvreté, individualiser les droits sociaux et fiscaux, créer des emplois accessibles aux personnes peu qualifiées, donner plus d’autonomie aux personnes, consolider et étoffer les services publics, lier les prestations sociales au bien-être, supprimer les tickets modérateurs, réduire la TVA sur les produits de première nécessité, lutter contre les inégalités socioculturelles et socio-économiques, améliorer la qualité de vie, au boulot et d’une manière générale… Ces revendications donneraient un souffle nouveau à l’État-providence et à la protection sociale en particulier.

Quelles priorités et comment articuler ces politiques : cette méta-question est peu abordée. Pour deux raisons, qui valent dans de nombreux débats : primo, ne pas donner du grain à moudre à la droite (mieux vaut aligner que de nuancer, ce qui offrirait prise à « l’adversaire ») et secundo, plus interpellant : la peur de la complexité du réel et des contraintes budgétaires. À mettre en œuvre tout cela, on dépenserait beaucoup plus que ce que rapporteraient la taxe sur les millionnaires, une taxe sur les plus-values et encore d’autres réformes fiscales justes et nécessaires.

Soit. Mais disposerait-on même de montants budgétaires importants, quelles priorités donner et comment combiner tout ou partie des objectifs que l’on veut atteindre ?

Quelques dilemmes donnent à réfléchir : la semaine de quatre jours pour tous va-t-elle donner des emplois aux peu qualifiés et éradiquer la pauvreté ? La réduction du temps de travail vise-t-elle prioritairement à améliorer la qualité de (la) vie et/ou les conditions de travail ou à créer des emplois ? Individualiser les (seules) prestations de sécurité sociale va-t-il empêcher les contrôles domiciliaires pour les bénéficiaires du revenu d’intégration?? Diminuer la TVA sur l’électricité sert-il à grand-chose s’il faut réduire d’un peu moins d’un milliard d’euros (coût de la baisse de 21 % à 6 % de la TVA sur l’électricité et le gaz) les moyens des services de transports publics ?

Essayons de réfléchir un moment sur l’aménagement et la réduction du temps de travail. En préparant ce texte, je me suis souvenu d’une proposition énoncée en 1999 : la formule « un sur cinq » qui autorise les travailleurs à réduire leur temps de travail d’un jour sur cinq, d’une semaine sur cinq, d’un mois sur cinq, d’un semestre sur cinq, d’un an sur cinq… Cette formule privilégie, clairement, les objectifs d’une plus grande autonomie individuelle et d’une meilleure qualité sur d’autres objectifs.

Mais je pense que seul un retour à un accès pour tous à la sécurité sociale couplé à l’octroi d’un revenu de base permettra d’atteindre le plus grand nombre d’objectifs : éradication de la pauvreté, individualisation des droits sociaux et fiscaux pour tous, aménagement et réduction du temps de travail, autonomie des choix individuels, réduction des inégalités socio-économiques.

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