
Liberté d’expression, blasphème, propos racistes : un double déplacement pervers
- Guy Haarscher, philosophe et professeur ordinaire émérite de la Faculté de philosophie et lettres et de la Faculté de droit de l’Université libre de Bruxelles
Le trimestriel de la laïcité en Province de Liège
OCTOBRE - NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
Depuis plusieurs années, le religieux (ré)affirme de plus en plus sa présence. Que ce soit de manière discrète, via un lobbying intense auprès d’institutions démocratiques pour tâcher d’influer sur les lois, ou de façon plus ouverte, en essayant de limiter les critiques à son égard. À ce titre, le blasphème est un argument souvent brandi par les croyants qui s’érigent alors en victimes.
En Belgique, le législateur ne pénalise pas le blasphème. Les restrictions à la liberté d’expression sont strictement encadrées par la loi : la diffamation, l’injure au Roi ou l’incitation à la haine sont ainsi passibles d’être condamnables. Il est donc permis de critiquer des idées, de les brocarder, à la seule condition, très juste, de ne pas s’en prendre aux individus pour ce qu’ils sont. Ce n’est malheureusement pas le cas dans d’autres pays européens, dont une douzaine d’États membres disposent encore de lois permettant de punir le blasphème ou l’« injure religieuse ». Or, à bien y regarder, le blasphème n’a de sens que pour un croyant qui critiquerait sa propre religion.
Disons-le tout de go : l’ombre de Charlie Hebdo plane sur ce numéro. Sans aucun doute. Salut & Fraternité a cependant voulu s’en détacher et proposer quelques directions afin de nourrir la pensée. Pour qu’elle reste toujours libre.