• Pierre Galand
    Pierre Galand
    past président du Centre d'Action Laïque

L’école laïque : une utopie ?

Les combats du Centre d’Action Laïque pour une école unique de service public, sont connus de longue date. L’on peut constater avec intérêt que nous ne sommes plus les seuls à considérer que cette option répondrait à plus d’équité entre les enfants et les jeunes, à plus de rationalisation, bref, à une offre scolaire plus équitable et donc démocratique.


La revendication en faveur d’un cours unique sur les courants philosophiques, l’histoire des religions et la citoyenneté, en lieu et place des cours de morale et de religion, répond au même souci de la suppression de tout ce qui sépare, divise et différencie les groupes d’élèves en fonction des convictions de leurs familles respectives. La porte s’entrouvre à cet égard et notre vigilance reste pleine et entière.

Mais de surcroît, le Centre d’Action Laïque (avec l’appui de ses régionales, d’associations constitutives et du Centre d’étude et de défense de l’école publique – CEDEP) a entrepris un chantier plus en profondeur. Il finalise un « plan stratégique à cinq ans  » pour une école résolument solidaire, équitable et porteuse d’émancipation.

Un vaste chantier qui touche à tous les pans de la vie à l’école.

L’école lieu de vie avec tout ce que cela sous-entend : un accueil centré sur les besoins de l’enfant, des lieux multifonctionnels et une architecture conviviale, des rythmes adaptés, des soutiens efficaces et permanents. Et surtout, surtout, une écoute de la parole du jeune, pris au sérieux dans sa capacité progressive à gérer des groupes, réfléchir aux fonctionnements, transmettre les desiderata des uns et des autres dans une relation de confiance avec des adultes attentifs. Une école où l’accueil et l’écoute des parents constituent également une priorité. Une école insérée dans un quartier, qui en utilise les ressources sociales, culturelles et associatives. Une école qui sait que l’éducation est de tous les instants et ne s’isole pas dans un espace fermé par des murs et des grilles.

CC-BY-NC-SA Flickr.com – Woodley Wonderworks

L’école, c’est aussi un lieu d’apprentissage, de découverte de soi, des autres et du monde. Les savoirs n’ont de sens que s’ils font sens pour l’enfant, pour le jeune. Il ne suffit donc pas de mesurer –surtout par la sanction et peu par l’encouragement– le niveau de « digestion » de telle ou telle matière, compétence. Il s’agit d’intégrer une connaissance acquise dans un champ de lecture du monde en s’appuyant sur l’expérimentation, l’activité ET le plaisir de la découverte, la curiosité d’apprendre et de comprendre. Pour trop de jeunes, plaisir et école ne riment pas ! Et pourtant, tout enfant porte en lui le désir de la découverte et de l’augmentation de ses capacités, à condition que l’environnement et l’accompagnement le lui permettent. Les choix pédagogiques sont ici au creuset des préoccupations. Avec ce que cela comporte comme options qui bouleversent l’école traditionnelle : remédiations internes permanentes, suppression du redoublement…

L’enseignement est aujourd’hui trop exclusivement orienté vers la mise à l’emploi. Or, l’on sait parfaitement que la capacité à changer d’orientation professionnelle, à se « reconvertir » est aujourd’hui cruciale. Nous prônons dès lors un enseignement général en tronc commun jusqu’à 16 ans, afin de garantir des acquis culturels, scientifiques et sociaux qui devraient permettre de mieux choisir sa première orientation et de disposer d’outils de base suffisants pour en changer, plus tard dans sa vie. Finies donc les relégations de toutes natures qui créent des résistances, une inappétence à l’acquisition de connaissances, bref, trop souvent un dégoût de l’école. En parallèle, une réhabilitation des filières techniques et professionnelles s’impose.

L’enseignement est aujourd’hui trop exclusivement orienté vers la mise à l’emploi. Or, l’on sait parfaitement que la capacité à changer d’orientation professionnelle, à se « reconvertir » est aujourd’hui cruciale.

C’est donc une autre culture scolaire qu’il s’agit de promouvoir. Avec à la clé, bien sûr, une formation initiale et continuée des enseignants adaptée à ces changements. L’apprentissage qui prend en compte le milieu d’origine de l’enfant pour le valoriser et non le stigmatiser, l’apprentissage résolument tourné vers l’émancipation, la confiance en soi, la capacité à construire avec d’autres, le désir de découvrir l’inconnu.

Bien d’autres facettes de cette école doivent faire l’objet d’une attention particulière : devoirs à domicile, place du corps dans l’apprentissage, culture, créativité, etc.

Le Centre d’Action Laïque s’est engagé résolument dans ce combat global : combat contre les scories du passé, combat contre la reproduction plutôt que l’innovation, combat pour la revalorisation de la formation d’enseignant, combat pour un lieu de vie où solidarité, équité et liberté ne soient pas de vains mots !

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