• Pierre Pétry
    Pierre Pétry
    président du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège (1995-1997)

Pour plus d’égalité : coéducation et obligation scolaire à 3 ans !

Le Centre d’Action Laïque réclame une école de l’égalité. Dans cette optique, elle avance deux propo­si­tions : la coédu­ca­tion et l’obligation scolaire à trois ans. Pierre Pétry, admi­nis­tra­teur, revient sur ces axes de réflexion.


Voilà une propo­si­tion qui pour­rait éton­ner voire susci­ter la contro­verse chez certains qui consi­dèrent que l’école mater­nelle (je préfère l’appellation « ensei­gne­ment fonda­men­tal » qui ne disso­cie pas les neuf années mater­nelles et primaires) doit encore rester une période douce et heureuse, insou­ciante et non stres­sante de l’enfance avant les premiers défis scolaires sérieux de l’école primaire. C’est malheu­reu­se­ment lais­ser sous-exploi­tées trois années utiles pour contra­rier les déter­mi­nismes sociaux déjà bien actifs à ce moment.

Les obser­va­tions sont très inquié­tantes. Depuis de trop nombreuses années, les experts déplorent l’échec de l’enseignement qui aggrave la ségré­ga­tion des popu­la­tions scolaires en regard essen­tiel­le­ment de leur statut socio-écono­mique. Par exemple, grâce à une meilleure gestion des données chif­frées, il est apparu que 50 % des enfants main­te­nus une année supplé­men­taire en section mater­nelle ( imma­tu­rité, une ou plusieurs dys, …) redou­blaient encore au moins une fois en primaire, le plus inter­pel­lant étant que ces enfants appar­tiennent presque tous à des milieux préca­ri­sés. Faut-il ajou­ter que le plus souvent cette année supplé­men­taire n’est même pas conçue pour répondre aux besoins spéci­fiques des enfants mais reste une simple répétition !

La scola­rité obli­ga­toire dès trois ans confé­rera à l’école mater­nelle une crédi­bi­lité néces­saire aux parents mais aussi aux enseignants

L’importance des premières années de l’enfance est pour­tant connue. Pour­quoi devoir répé­ter qu’un bagage langage trop faible empê­chera l’enfant de saisir les consignes simples de l’enseignant et retar­dera ses appren­tis­sages dès son entrée à l’école. Pour­quoi devoir encore souli­gner l’intérêt de la psycho­mo­tri­cité rela­tion­nelle et déve­lop­pe­men­tale invi­tant l’enseignant à l’observation fine et à l’application de stra­té­gies péda­go­giques qui permettent à l’enfant de fran­chir mieux les obstacles, de s’éveiller aux appren­tis­sages selon ses moyens, de décou­vrir sa créa­ti­vité et de s’assurer une place au sein d’un groupe classe sans perdants,…

Les réformes néces­saires devront rele­ver des diffé­rents niveaux d’organisation de l’enseignement, elles inscri­ront dans les missions l’intégration et l’exploitation des contextes sociaux, psycho­lo­giques, cultu­rels, anthro­po­lo­giques à asso­cier aux démarches péda­go­giques pour donner tout son sens à l’enseignement présco­laire. La scola­rité obli­ga­toire dès trois ans confé­rera à l’école mater­nelle une crédi­bi­lité néces­saire aux parents mais aussi aux ensei­gnants, elle renfor­cera la respon­sa­bi­lité éduca­tive de chacun.

La coédu­ca­tion ?
Une part incon­tour­nable d’une réforme majeure !

Le concept de coédu­ca­tion – éduquer ensemble – souvent mentionné est diver­se­ment défini. Pour notre part, nous aimons le défi­nir à partir de l’enfant, de ses besoins éduca­tifs et de son poten­tiel person­nel fût-il discret au départ mais bien présent. La coédu­ca­tion s’inscrit dans un réseau parte­na­rial inter­ac­tif qui inclut les enfants, les ensei­gnants, les parents, les services d’accompagnement. Certains étendent le concept à la société dans ses diffé­rentes compo­santes éduca­tives, c’est ici qu’intervient notam­ment la notion de Ville éduca­tive ou éduca­trice dont certaines enti­tés belges se sont inspirées.

La coédu­ca­tion s’inscrit dans un réseau parte­na­rial inter­ac­tif qui inclut les enfants, les ensei­gnants, les parents, les services d’accompagnement. Certains étendent le concept à la société dans ses diffé­rentes compo­santes éducatives (…)

Nous nous limi­te­rons ici à la rela­tion de base parents – enfants – ensei­gnants et à souli­gner son carac­tère « vital ». Une fois encore, c’est l’évidence mais pour que cette rela­tion devienne réel­le­ment coédu­ca­tive, un espace de dialogue non hiérar­chisé doit pouvoir être reconnu et utilisé par chaque partie. Les rôles diffé­rents sont complé­men­taires, non super­po­sables encore moins substi­tuables. Mais la mise en œuvre ne s’improvise pas. Les compé­tences néces­saires ne viennent pas natu­rel­le­ment ou spon­ta­né­ment tant pour l’enseignant que pour l’enfant et sa famille surtout quand ces derniers proviennent de milieux cultu­rel­le­ment éloi­gnés du modèle scolaire. Ainsi, ladite démis­sion éduca­tive des parents est avant tout un échec pour tout le monde, elle résulte le plus souvent d’une commu­ni­ca­tion inef­fi­cace voire non entre­prise. Outre l’absence des infor­ma­tions de base pour comprendre et s’approprier le fonc­tion­ne­ment de l’école, les consé­quences peuvent être très domma­geables pour l’enfant coincé dans un conflit de loyauté entre les attentes de l’école et les réfé­rents fami­liaux, les tensions qui en résultent consti­tuant des entraves aux appren­tis­sages, les causes réelles, elles, restant non dites.

En conclu­sion, l’obligation scolaire dès trois ans asso­ciée à la coédu­ca­tion réelle devrait consti­tuer le socle du début pour assu­rer le déve­lop­pe­ment et les appren­tis­sages ulté­rieurs du plus grand nombre. Ce pour­rait être le départ d’une réforme globale de l’enseignement, ambi­tieuse certes mais telle­ment urgente. C’est un devoir citoyen que de s’y atteler !

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