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Audrey Taets,
coordinatrice du service Solidarité
Entre Galeries et Forges, petites et grandes histoires d’émancipation
À l’automne prochain, nous inaugurerons l’exposition permanente Entre Galeries et Forges. Histoires d’une émancipation au sein de la Cité Miroir. L’exposition retrace l’histoire des luttes sociales menées par les travailleurs contre les inégalités, l’aliénation et les dominations depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours.
Le parcours est destiné au tout public à partir de 15 ans. Il se structure en trois salles.
La première (1830-1886) traite de la condition ouvrière au XIXe siècle dans le contexte d’un capitalisme débridé. Des témoignages croisés relatent l’expérience de subordination vécue par ces travailleurs véritablement dominés par les inégalités sociale, politique, économique, culturelle face à une bourgeoisie conquérante et innovante disposant de ressources multiples. Cette première séquence permet de comprendre le phénomène de pauvreté non pas comme relevant d’une responsabilité individuelle mais organisée économiquement et socialement par l’instauration de lois, d’une idéologie dominante, d’une culture de la distinction assignant toute une communauté à une identité, une position sociale bien déterminée.
Si l’austérité est le nouveau mot d’ordre de la politique menée par l’Europe, nous avons pourtant besoin d’un projet de société dans lequel chacun peut construire son avenir, une Europe véritablement sociale dans laquelle les gens passeront en premier lieu.
La deuxième salle (1886-1974) nous plonge au cœur d’un siècle de luttes menées pour la transformation sociale et politique. Si au XIXe siècle la soumission est bien intégrée, la classe opprimée va cependant petit à petit se structurer et s’organiser afin de prendre son destin en main. Un processus de conscientisation collective est en marche, les luttes s’organisent avec comme suite politique l’instruction publique, le suffrage universel et les droits sociaux. L’apogée des conquêtes s’incarnera dans les Trente Glorieuses via un meilleur partage des richesses ainsi qu’un système de protection sociale institué.
La troisième salle pose enfin la question contemporaine du délitement des conquêtes sociales, du démantèlement de l’état-providence dans un système économique et financier en « crise ». Si l’austérité est le nouveau mot d’ordre de la politique menée par l’Europe, nous avons pourtant besoin d’un projet de société dans lequel chacun peut construire son avenir, une Europe véritablement sociale dans laquelle les gens passeront en premier lieu. Aujourd’hui en Belgique, plus d’un siècle de luttes menées par des générations de travailleurs sont progressivement détricotées creusant chaque jour davantage les inégalités sociales. Accepterons-nous cela sans résistance ? Quelles réponses collectives apporter à cet état de fait, sur quelles forces sociales peut-on compter aujourd’hui ?
Réinvestir la question politique de l’intérêt général, du vivre ensemble est essentiel. Si nous, citoyens, ne l’investissons pas, nous risquons bien de voir s’imposer la loi du plus fort. Ces questions nous appartiennent, il s’agit à notre tour de nous mettre en route pour reconquérir le pouvoir sur notre devenir. L’enjeu est de taille, au XIXe siècle il l’était aussi…
L’exposition permanente s’est construite avec cette visée audacieuse de redonner du souffle à notre capacité à faire changer les choses. Conformément à l’esprit de l’éducation permanente, il s’agit bien ici d’un projet politique dans la mesure où l’on propose aux visiteurs de réinvestir « le politique » au travers de la participation de chacun à la construction d’une société plus juste et solidaire.
Refuser le fatalisme ambiant et rappeler que les conquêtes sociales que nous connaissons aujourd’hui ne se sont pas imposées d’elles-mêmes, mais résultent d’un véritable rapport de force auquel nous sommes toujours intimement liés et avec lequel il s’agit de renouer est un premier pas dans ce sens.
Conformément à l’esprit de l’éducation permanente, il s’agit bien ici d’un projet politique dans la mesure où l’on propose aux visiteurs de réinvestir « le politique » au travers de la participation de chacun à la construction d’une société plus juste et solidaire.
L’héritage collectif que nous ont transmis ces générations d’hommes et de femmes porteurs de puissance d’agir représente un patrimoine trop souvent passé sous silence… Ils constituent pourtant une véritable source d’inspiration pour lutter ici et maintenant contre le déficit démocratique et le dogme du tout au marché.
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