• Stéphane Hauwaert
    Stéphane Hauwaert
    coordinateur du service Animation

L’Eudémonisme : le bonheur, ici et maintenant ?

Parmi les valeurs prônées par la laïcité, l’eudémonisme est l’une des moins souvent mises au devant des scènes médiatiques ou associatives. Or, son lien avec le modèle de société prôné par la laïcité est certain.

Il convient sans doute de repréciser brièvement, en philosophie, ce que l’on entend par eudémonisme. À l’origine du grec « eudaimonía », (bonheur, heureux), il s’agit d’une doctrine et d’un courant de la philosophie morale, prônant le bonheur comme finalité de la vie humaine. Celui-ci n’y est pas vu comme opposé à la raison, chère aux libres-penseurs, et en serait même la finalité naturelle. Comme la plupart des pensées humanistes, il se fonde sur une confiance en l’Humain, qui reste sa clé irremplaçable. On comprend assez rapidement l’enjeu réel que cette vision de la finalité de la vie peut prendre pour un libre-penseur, pour qui aucune promesse de vie postérieure à la mort n’a de sens.

On peut également très facilement extrapoler au niveau collectif, à la lumière d’un « Vivre ensemble » si cher à la Laïcité. Par là, l’eudémonisme reste en filigrane de la plupart des réflexions de société entamées par la laïcité organisée, et se concentre donc sur cette seule chance d’épanouissement que constitue la vie terrestre. Tout naturellement il concentrera tous ses efforts pour atteindre le « bonheur », de préférence évidemment rationnalisé sur un temps long, et tant pour soi que pour autrui.

Tout l’arsenal mercantile est déployé autour du bonheur dans sa déclinaison individuelle, allant de la prise/achat de « temps pour soi », la « nécessité » de déconnexion du quotidien (quotidien qui ne serait donc pas ce bonheur tant recherché), la recherche d’une éternelle image physique de jeunesse, à un regain de philosophies « new age » et certains ésotérismes creux.

Plus concrètement, il y a toutefois un paradoxe. Comment définir ce qu’est le bonheur ? Pour qui ? Comment ? Pourquoi ? Peut-on se l’acheter ou doit-on le construire ? Est-il fugace ou s’inscrit-il dans la durée ? Les difficultés que nous avons rencontrées pour trouver des artistes plasticiens qui traiteraient du bonheur en sont symptomatiques… là où par contre des rayons entiers de librairies spécialisées regorgent d’ouvrage de « développement personnel » et autres « droit au bonheur ». Tout l’arsenal mercantile est déployé autour du bonheur dans sa déclinaison individuelle, allant de la prise/achat de « temps pour soi », la « nécessité » de déconnexion du quotidien (quotidien qui ne serait donc pas ce bonheur tant recherché), la recherche d’une éternelle image physique de jeunesse, à un regain de philosophies « new age » et certains ésotérismes creux. Tous pratiquant, au final, autant l’obsolescence programmée de ces bonheurs individuels que les marchands d’objets usuels.

Or, dans une société à ce point anxiogène, où plane le spectre du négatif, de la crise, d’une actualité pas toujours réjouissante, le bonheur et sa recherche sont bien trop souvent éclipsés par d’autres préoccupations. Et lorsqu’il en est question, la plupart du temps, celui-ci est présenté sous une forme commercialisée, rentable, ou accessible uniquement moyennant des moyens et engendrant la frustration des plus démunis. Le bonheur serait-il donc accessible si on met la main au portefeuille, en achetant un « droit de savoir » ? (le titre d’un best-seller du genre, « Le secret », est d’ailleurs éloquent). Ne serait-il pas légitime de se poser la double question d’une part de l’efficacité à long terme de ces écrits et « méthodes », de ces moments figés et insatisfaisants à long terme, là où on observe une consommation compulsive et donc jamais d’assouvissement (une frustration ?). Et de l’autre de l’aspect uniquement individualiste de ces démarches de recherche de bonheur qu’on nous vendrait aussi facilement qu’un roman de gare ? Ce fameux bonheur que tout le monde rechercherait sans savoir le définir réellement ne pourrait-il justement pas être dans le collectif et la construction à plus grande échelle que celle de sa propre individualité ?

Lors de notre rencontre-débat organisée à l’Espace Laïcité de Waremme, nous aurons l’occasion d’y réfléchir ensemble, et de poser également plus clairement cette question du bonheur, de l’eudémonisme et ses dimensions de visée universelle, transversalement aux interventions prévues, qui envisagent la question du bonheur sous diverses approches.

C’est donc le droit au bonheur sur Terre dans une société de plus en plus duale qui sera interrogé directement ou indirectement au travers ces réflexions menées en rencontre-débat, en contre-pied de la morosité ambiante, et de ses effets négatifs sur le bien-être et l’épanouissement de tout un chacun !

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