- Bernadette Rasquin,
présidente du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège
Le mot de la présidente
Je ne me hasarderai pas à définir le bonheur. De nombreux philosophes l’ont fait et le feront encore. Je vous ferai part des associations de mots que ce concept fait surgir pour moi : plaisir, joie, beauté, harmonie, amour. Ce sont là des émotions ou des sentiments ressentis de façon particulière par chacun. En effet, il me semble que le bonheur est toujours une notion très personnelle. Ce n’est pas une valeur comme la liberté ou la justice, termes que l’on peut définir de manière rigoureuse, compréhensibles pour tous. D’ailleurs, ni la Déclaration des droits de l’homme, ni aucun texte de loi ne s’engage à garantir le bonheur sauf les textes religieux qui le promettent mais le reportent dans l’au-delà pour ceux qui se seront soumis à la loi divine. Promesse bien difficile à vérifier… Bonne raison pour refuser le report hypothétique du bonheur et préférer vivre au présent en profitant de petits ou grands bonheurs.
Certes les textes de loi ne peuvent assurer le bonheur car ils n’ont pas de prise sur les sentiments, et c’est très bien ainsi, mais ils peuvent néanmoins supprimer des causes de malheur notamment par l’exigence d’égalité, de justice et de solidarité.
La crise qui secoue la société nous amène à reconsidérer notre manière de vivre. Le consumérisme inhérent au capitalisme nous a conditionnés à confondre bonheur et abondantes possessions, à confondre bonheur et égoïsme, ce repli confortable sur soi. Nous sommes à un moment charnière. Il est temps que le qualitatif remplace le quantitatif et que la solidarité réinvestisse la communauté. Cette réflexion nous entraîne vers une question morale : peut-on jouir pleinement du bonheur au sein de notre société de plus en plus duale, dans laquelle la pauvreté touche un enfant sur cinq, quand l’économie qui produit la richesse engendre la misère et que des pans entiers du monde du travail disparaissent ?
Nous avons cru que l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ratifiée par la Belgique, renforcé par un système de sécurité sociale acquis de longue lutte, assurerait que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille (…) ». Le bien-être me paraît ce cadre minimum à exiger dans une société démocratique pour permettre à tous d’accéder à des formes de bonheur. Toutefois, celui-ci ne peut exister sans la liberté de pensée, de savoir, de rêver, de créer. Le meilleur des mondes ne peut être celui de la pensée unique.
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