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Guy Vlaeminck,
président de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation Permanente
Vers une fusion des réseaux d’enseignement
Guy Vlaeminck a été président de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente. Il s’est attelé à la défense de l’enseignement public, de sa neutralité et de la nécessité de faire de l’enseignement un outil d’émancipation pour chaque individu. Dans ce cadre, il a ardemment défendu l’idée de la fusion des réseaux d’enseignement en Belgique.
Salut & Fraternité : En quoi la fusion des réseaux va-t-elle contribuer à combattre les inégalités à l’école ?
Guy Vlaeminck : Le principe premier de l’organisation de notre système scolaire en Belgique repose sur la liberté d’enseigner. Celle-ci est beaucoup plus canalisée aujourd’hui qu’en 1830 mais elle constitue toujours le principe élémentaire de notre enseignement. Qui dit liberté dit évidemment possibilité d’une action pédagogique orientée, transmission d’un certain nombre de valeurs particulières et aussi choix des élèves. Ces caractéristiques marquent encore notre système actuel.
Tout cela crée d’abord une multiplication des pouvoirs organisateurs. Mais cela signifie aussi une extraordinaire concurrence entre eux, qui entraîne le besoin d’images de marque. C’est ainsi que, progressivement, dans l’enseignement libre, le travail a été orienté soit vers la préparation des élites à des études supérieures, soit, au contraire à la récupération des largués du système. Ce système est donc inégalitaire, essentiellement du fait d’une très grande liberté accordée, jusqu’à la fin du siècle dernier, à l’enseignement libre.
S&F : En quoi la fusion des réseaux pourra amener un changement à ce niveau là ?
G.V. : Pour l’instant, nous fonctionnons au travers d’un article de la Constitution, tel qu’il a été rédigé en 1989, à propos du principe de l’égalité (§4 de l’article 24 de la Constitution : égalité des élèves, des étudiants, des parents, des enseignants, des établissements scolaires). Compte tenu du poids de l’Histoire, cette égalité est essentiellement une égalité de droits, beaucoup plus qu’une égalité de devoirs. L’enseignement libre y a surtout vu une possibilité d’être subventionné au même titre que l’enseignement officiel. Mais ils n’en acceptent pas pour autant les mêmes contraintes…
À partir du moment où la Loi pourra avoir une action plus importante, plus contraignante, sur l’ensemble des pouvoirs organisateurs, nous pourrons réfléchir à des systèmes beaucoup plus égalitaires. Il ne s’agit pas, pour autant, de renforcer une réglementation tatillonne mais de procéder à une meilleure répartition des compétences et des responsabilités entre les divers niveaux de pouvoir. C’est là qu’une meilleure réflexion, une meilleure redistribution des moyens permettra d’avoir une plus grande unité à la fois dans les résultats et dans les moyens qui sont déployés.
S&F : Si on se met dans la peau du mandataire politique qui souhaite arriver à la fusion des réseaux, quelle serait la voie à emprunter pour y arriver ?
G.V. : C’est délicat évidemment. Ce n’est pas par un coup de baguette magique qu’on va y arriver. La liberté d’enseignement est inscrite dans la Constitution, on ne va pas la faire disparaître du jour au lendemain. Mais on voit très bien aujourd’hui que, contrairement à la situation de 1830 quand la Constitution a été écrite, la toute grande majorité des écoles sont financées par l’État et soumises à la Loi. C’est donc par cette dernière que les réseaux scolaires devront se rapprocher dans leurs modes de fonctionnement pour arriver à des différences si infimes qu’elles ne justifieront plus différentes structures.
Le dernier décret « neutralité » prévoit que tout enseignant qui sort de l’enseignement confessionnel et qui voudrait travailler dans l’officiel doit suivre une formation de 20h. Cela signifie qu’on est prêt à reconnaître que cet enseignement orienté ne convient pas à tout le monde. Il faudra sans doute passer par ce genre de petites étapes pour arriver à faire comprendre que nous sommes tous devant les mêmes problèmes, qu’il est grand temps de travailler ensemble et de renforcer la cohérence de notre système éducatif.
Lors des quelques débats que j’ai eu à propos d’une réunification des réseaux avec des responsables de l’enseignement catholique, la particularité du message évangélique passe au second plan. Leur défense est essentiellement de dire « nous avons un réseau de qualité et d’écoles de qualité », « nos résultats sont supérieurs aux vôtres », « on redouble moins dans nos écoles que dans les vôtres ». Là, il y a quelque chose qui ne va pas ! Si on arrive à trouver des moyens d’avoir un enseignement plus efficace, je ne vois pas pourquoi cela devrait profiter à un réseau et pas à un autre. C’est là qu’il y a inégalité et iniquité.
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