- Bernard De Vos,
délégué général aux Droits de l’Enfant
Une école pour lutter contre les inégalités
En 2009, mon institution avait produit un rapport thématique consacré aux incidences et conséquences de la pauvreté sur les enfants, les jeunes et leurs familles, à partir de la parole de bénéficiaires d'une aide sociale dans cinq arrondissements.
Ceux-ci montraient, exemples à l'appui, que la pauvreté porte atteinte aux droits de l'enfant dans de nombreux secteurs de la vie en société, et d'abord à l'école. Les critiques portent essentiellement sur le coût de l'enseignement pour les familles, sur la stigmatisation des enfants issus de milieux précarisés et sur leur relégation vers des filières d'enseignement imposées ou non adéquates. Ces enfants font ainsi très tôt l'apprentissage de la disqualification, qu'ils intègrent alors pour la suite de leur parcours de vie, même à l'âge adulte.
Dans cet esprit, ma priorité est que l'école, dès la maternelle, constitue un lieu de vie et d'apprentissage qui soit un service public de qualité pour toutes et tous, sans distinction culturelle, philosophique, religieuse, sociale, économique ou financière. Une institution qui mette chaque enfant à égalité dans son parcours vers l'âge adulte et qui accueille chaque famille dans la dignité.
(…) l'école doit jouer un rôle moteur dans la lutte contre les inégalités, être effectivement gratuite, créer du lien et de la solidarité en s'ouvrant au monde et d'abord au quartier dans lequel elle s'inscrit et veiller à établir un véritable partenariat éducatif avec les parents.
Pour ce faire, il me semble essentiel de rappeler cinq principes fondamentaux : l'école doit jouer un rôle moteur dans la lutte contre les inégalités, être effectivement gratuite, créer du lien et de la solidarité en s'ouvrant au monde et d'abord au quartier dans lequel elle s'inscrit et veiller à établir un véritable partenariat éducatif avec les parents.
La mise en œuvre de ces principes nécessite l'ouverture de nombreux chantiers, dont notamment : la refonte de l'enseignement maternel pour qu'il puisse jouer son rôle d'émancipation sociale, la fin des exclusions d'élèves au sein du fondamental, une offre adéquate de remédiation immédiate, un aménagement du temps de travail des enseignants qui tienne compte des collaborations indispensables avec les autres acteurs de l'éducation, une meilleure intégration de l'école dans les quartiers.
En outre, deux domaines se doivent d'être abordés prioritairement : la gratuité de l'enseignement et la formation des enseignants.

En vue d'établir une véritable gratuité, diverses mesures doivent être rapidement mises en application : le contrôle de l'application effective des règlementations et circulaires relatives aux couts coûts scolaires, la gratuité des activités d'ouverture de l'école (culture, sports, classes de dépaysement…), l'exclusion de toute intervention directe ou indirecte de l'enfant dans le système de payement, l'interdiction de la publicité des personnes en défaut de payement.
La gratuité doit aussi concerner des secteurs considérés comme périphériques à l'éducation des enfants et qui participent à la discrimination dont sont victimes les publics précarisés. Il s'agit notamment des repas, des garderies scolaires ou des coûts de santé liés à l'apprentissage (logopédie, psychomotricité…) et ceux qui relèvent d'impératifs de santé publique (traitements antipoux…).
Au niveau de la formation, il est indispensable qu'un enseignant puisse faire le lien entre les comportements et les difficultés d'apprentissage d'un enfant et la réalité sociale de celui-ci. Un tel objectif ne peut être atteint qu'en améliorant la formation initiale et continuée des professeurs pour y inclure les pratiques de pédagogie active et différenciée ainsi que des apprentissages forts en termes sociologiques.
(…) il est indispensable qu'un enseignant puisse faire le lien entre les comportements et les difficultés d'apprentissage d'un enfant et la réalité sociale de celui-ci. Un tel objectif ne peut être atteint qu'en améliorant la formation initiale et continuée des professeurs pour y inclure les pratiques de pédagogie active et différenciée ainsi que des apprentissages forts en termes sociologiques.
Les attentes des familles pauvres vis-à-vis de l'école restent très grandes malgré les rapports parfois conflictuels qu'elles entretiennent. Les élèves et leurs parents demandent de pouvoir rencontrer des enseignants qui les soutiennent.
Ces quelques priorités ouvrent un chantier décisif pour l'avenir, avec l'application du Décret « Missions », un texte remarquable dont la lettre n'est, en grande partie, malheureusement pas respectée aujourd'hui. Les lieux d'accueil de la petite enfance, l'école maternelle et primaire peuvent et doivent jouer un rôle moteur dans la lutte contre les inégalités sociales. Le décrochage scolaire ou la délinquance ne sont, souvent, que les conséquences des rendez-vous manqués dès la naissance. Les mesures proposées peuvent contribuer rapidement à obtenir des résultats dont les conséquences positives se feront sentir partout et pour tous, puisqu'en aidant les plus faibles, c'est toute la collectivité qui progressera.
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