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Pierre Galand,
président du Centre d’Action Laïque
L’école doit être gratuite, mixte et… unique
S&F : Salut & Fraternité : Pourquoi le Centre d’Action Laïque a‑t-il mis sur pied une campagne d’éducation permanente sur l’école ?
Pierre Galand : Je commencerai par rappeler au préalable que l’éducation est une préoccupation laïque par excellence : c’est un moyen de créer des esprits plus libres et plus capables de se gérer eux-mêmes, grâce à un enseignement pour toutes et tous… et de qualité ! Quand je suis arrivé au CAL, je me suis rendu compte qu’il y avait une multitude d’actions concernant l’enseignement mais qu’il manquait une vision commune. Cette campagne vise d’abord à définir les aspirations des laïques en la matière. Il s’agit également de rêver l’école pour les générations à venir. Un certain nombre de questions cruciales méritent qu’on s’y attarde enfin. L’Histoire de la Belgique a donné naissance à une structure particulière de l’enseignement public : il relève soit de la Communauté française, soit de la Province, soit du pouvoir communal. À côté existe un enseignement dit « libre » qui est confessionnel, à grande majorité catholique. Or, les dépenses concernant l’enseignement sont énormes mais, de ce fait, tellement éparpillées !
De plus, l’étude PISA témoigne d’une grande iniquité entre différents groupes sociaux au sein de l’école, selon les moyens ou le niveau d’éducation des parents. L’école est obligatoire pour tous les enfants en âge scolaire et elle doit être gratuite. Mais, pour beaucoup de familles, son coût constitue une part importante du budget, ce qui pose problème à certaines d’entre elles. Du côté des parents, il est de plus en plus compliqué d’être associé au projet pédagogique d’une école. Aussi, les statistiques montrent que 35 à 45% des enseignants quittent le métier dans les 5 premières années d’exercice pour un emploi plus satisfaisant et plus rémunérateur. Enfin, l’école, qui devrait aider les jeunes à devenir des citoyens, devient un lieu de formatage pour répondre à la pression sociale. Nous devons donc absolument réinventer l’école du XXIe siècle, et nous avons suffisamment de matière grise au sein du mouvement laïque pour le faire !
Nous devons absolument réinventer l’école du XXIe siècle, et nous avons suffisamment de matière grise au sein du mouvement laïque pour le faire !
S&F : En quoi consiste cette campagne ?
P.G. : Cette campagne a pour but de sensibiliser les différents milieux mais aussi de donner envie à tous les acteurs, à savoir les élèves, les parents, les enseignants et les décideurs politiques, de participer activement à ce projet. Nous avons donc mis en place un site internet (citer le site ?) qui leur permet d’intervenir. Nous mettons également à disposition des outils nécessaires pour nourrir les réflexions sur divers aspects de la question de façon à ce que chaque acteur puisse exploiter son potentiel. Avec, pour défi majeur, que l’école redevienne ouverte et égale pour tous.
S&F : Quelles sont les 3 priorités du CAL pour lutter contre les inégalités à l’école ?
P.G. : Il faut une école qui favorise la mixité sociale et qui soit réellement gratuite pour tous. Il faut aussi dépasser le pacte scolaire pour réaliser la fusion des réseaux. Celle-ci s’adresse à l’ensemble de l’enseignement public mais aussi au réseau confessionnel catholique. Il est temps d’endiguer cette communautarisation insupportable qu’il a mise en place, ainsi que les arguments sur une prétendue meilleure qualité du réseau libre subventionné. Enfin, il est urgent de trouver des alternatives au redoublement, qui, comme cela a été démontré, est inadapté. D’autant plus que c’est souvent l’enfant le plus faible ou qui provient des milieux les plus défavorisés qui en est davantage victime.

S&F : Comment faire pour remettre en question le Pacte Scolaire ? Quelles pistes existent ?
P.G. : Dans la société actuelle, le merchandising prend de plus en plus d’importance : tout doit pouvoir se vendre, que ce soit la santé, l’enseignement, ou même n’importe quel service à la population. Moi je crois à ces missions de service public : il est de la responsabilité de l’État d’assurer à tous les jeunes de manière égale un accès au Savoir. Or, le système pervers qui existe aujourd’hui dépend du Pacte Scolaire… un équilibre politique créé voici 50 ans, lorsque l’Église catholique était encore omnipotente et que l’État CVP dirigeait le pays ! Aujourd’hui, les États, dont le nôtre, ont des moyens de plus en plus limités et doivent se plier à des règles qui viennent de l’Europe.
Je pense donc qu’avoir tous ces réseaux, c’est un luxe qui est tout à fait dépassé. Or, dans chacun d’eux, il y a des gens qui réfléchissent et qui mettent en place des expériences pour améliorer l’enseignement. Il ne faut surtout pas rejeter tout ce qui peut se penser dans l’enseignement catholique ! C’est par la mise en œuvre d’un système de réflexions avec des ressources de tous bords qu’on va pouvoir repenser l’enseignement, et ensuite créer un mouvement d’adhésion chez les citoyens, les enseignants, le politique. C’est un long parcours mais c’est passionnant de pouvoir s’imaginer qu’on est encore capable d’aborder des changements qui aillent dans le sens du progrès social.
Je pense donc qu’avoir tous ces réseaux, c’est un luxe qui est tout à fait dépassé. Or, dans chacun d’eux, il y a des gens qui réfléchissent et qui mettent en place des expériences pour améliorer l’enseignement. Il ne faut surtout pas rejeter tout ce qui peut se penser dans l’enseignement catholique !
Finalement, une des valeurs laïques fondamentales est la solidarité. Aujourd’hui, l’antithèse de cette vision est d’imaginer une société qui fait, promeut et profile un enseignement gratuit de bas niveau à côté d’un enseignement de qualité pour ceux qui peuvent payer. Beaucoup d’enseignants seraient passionnés de pouvoir entreprendre le débat pour l’améliorer. Ils seraient heureux de montrer qu’ils sont des acteurs capables de créer un système éducatif qui promeut la solidarité. C’est la capacité que nous avons, dès l’école, de transformer le rapport du fort au faible et le remplacer par des logiques de solidarité.
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