• Hervé Persain
    Hervé Persain
    président du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

Imagi­ner l’école

Tout comme le dit Stéphane Hessel, il y a de quoi s’indigner de notre ensei­gne­ment. Il consti­tue en effet le premier outil (devrais-je dire la première arme ?) de frac­ture sociale, au service de la frange de la popu­la­tion qui a le pouvoir d’empêcher le renver­se­ment de cette dyna­mique infer­nale. L’enseignement ne fait donc pas que repro­duire les inéga­li­tés, il les crée pure­ment et simple­ment, n’ayons pas peur des mots. Même si des ensei­gnants tentent bien d’inverser la vapeur, le système renforce le fossé qui sépare les plus riches et les plus instruits des plus pauvres et de ceux qui devraient au contraire béné­fi­cier de ces discri­mi­na­tions posi­tives qu’on évoque sans pouvoir réel­le­ment leur donner tout leur effet.

Nombreux sont les obstacles à ce chan­ge­ment que le monde de l’éducation (pour une part en tout cas), que le pouvoir poli­tique (réel­le­ment démo­cra­tique), que les mouve­ments citoyens (qui militent pour les valeurs d’égalité et de frater­nité) appellent de leurs vœux. Or on sait combien les vœux, que l’on s’échange tradi­tion­nel­le­ment et si aisé­ment en cette période, restent trop souvent pieux. Espé­rer n’est d’aucune utilité pour chan­ger le monde, pour faire évoluer les socié­tés. Seules les déci­sions poli­tiques coura­geuses et concrètes peuvent trans­for­mer les situa­tions inac­cep­tables, faire respec­ter des prin­cipes évidents pour permettre au plus grand nombre de saisir sa chance de mener une exis­tence digne et de contri­buer à construire une société de mieux-être. Un exemple ? Depuis quand clame-t-on que l’enseignement doit être gratuit et non discri­mi­nant ? Qu’attend-on pour rendre ce prin­cipe obli­ga­toire et incon­tour­nable ? Pour rencon­trer ainsi les objec­tifs et les condi­tions de service public, qui doivent carac­té­ri­ser notre enseignement ?

Afin de ne pas le lais­ser en pâture à ceux qui dési­rent forma­ter les jeunes en fonc­tion des besoins indus­triels et non pour élever les élèves et les étudiants, les éduquer à la place de citoyen qu’ils devront occu­per dans le monde.

Le Centre d’Action Laïque, et la régio­nale de Liège en parti­cu­lier, ont choisi de privi­lé­gier le thème de l’école dans leurs campagnes à venir, de déve­lop­per des ateliers de soutien à la réus­site, de mener des actions de sensi­bi­li­sa­tion et de mobi­li­sa­tion durant les prochains mois et les prochaines années, quitte à remettre en ques­tion de lourdes résis­tances issues de notre histoire philo­so­phique belge qui laisse encore tant de traces, de séquelles dans notre modèle de société. Le pacte scolaire a plus d’un demi-siècle. Comment peut-on encore le défendre ? Chacun a conscience de ses consé­quences néfastes, de son carac­tère désuet, des coûts prohi­bi­tifs qu’il entraîne, de ses effets dévas­ta­teurs sur le projet péda­go­gique de notre pays par une pila­ri­sa­tion cari­ca­tu­rale et irres­pon­sable dans une société qui ne s’est pas encore libé­rée, loin de là, des chaînes de l’Église.

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