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Pascal Chardome,
président de la CGSP ENSEIGNEMENT
Enseignant(e) : un métier de plus en plus déserté
Chaque année, l’ONEM (région wallonne) et ACTIRIS (région bruxelloises) publient la liste des professions pour lesquelles il existe une pénurie significative de main-d’œuvre. En ce qui concerne les fonctions enseignantes, la liste est impressionnante et s’allonge chaque année.
Cette situation alarmante risque d’amener à terme des zones de non droit à l’enseignement, notamment à Bruxelles où l’explosion démographique nécessiterait d’augmenter de 50 % le nombre d’écoles et donc de recruter toujours plus d’enseignants.
Une pénurie inquiétante
Les causes de cette pénurie sont multiples. Tout d’abord, trop peu de jeunes se destinent au métier, et quand ils le font, il s’agit souvent d’un deuxième ou troisième choix (on constate de 2005 à 2008 une baisse de 6.1% du nombre d’étudiants fréquentant des filières de formation initiale des enseignants). Par ailleurs, plus de 40% d’entre eux quittent la profession avant de l’avoir exercée durant 5 ans. Beaucoup d’entre eux déclarent avoir rencontré des problèmes d’insertion professionnelle et estiment leur formation insuffisante
Enfin, la moyenne d’âge des enseignants augmente : elle a en effet progressé de 2 ans au niveau fondamental ordinaire (39 ans), de 3 ans au niveau secondaire ordinaire (43 ans) et d’un an dans l’enseignement spécialisé (41 ans). Nombreux sont les enseignants qui, usés physiquement et/ou mentalement, quittent le métier prématurément parce qu’ils sont reconnus inaptes à l’exercice de la profession ou qu’ils sollicitent des mesures d’aménagement de fin de carrière (DPPR).
Le vrai courage politique consisterait à s’attaquer au problème à sa base, c’est-à-dire à rendre à nouveau la fonction enseignante attrayante pour les jeunes diplômés, tout en évitant qu’ils ne la quittent désabusés voire dégoûtés après quelques années.
Toutes les écoles sont confrontées aux problèmes liés à cette pénurie, mais principalement celles accueillant des publics défavorisés et réputées « difficiles » pour les enseignants. Cela a pour conséquence de renforcer les dualités au sein d’un système éducatif déjà montré du doigt dans les enquêtes PISA comme le champion des inégalités scolaires.
Ce sont ces élèves nécessitant pourtant un suivi important, une pédagogie adaptée, un encadrement différencié qui ont en conséquence le plus à souffrir des effets néfastes de la pénurie : enseignants non remplacés lors d’absence de courte ou de moyenne durée et donc classes ou études surpeuplées, encadrement assuré par des enseignants débutants, dénués d’expérience, insuffisamment formés pour rencontrer les exigences de ce public scolaire et ne bénéficiant que trop rarement d’un accompagnement par des professeurs plus expérimentés. De plus, attirant peu les enseignants diplômés, ces écoles doivent souvent recourir à l’engagement d’enseignants dépourvus de formation pédagogique initiale.

Ce n’est donc pas un hasard si ce sont ces établissements scolaires qui sont essentiellement confrontés à un taux important d’abandons prématurés du métier.
Des pistes de solution
Pour lutter efficacement contre cette pénurie, le Gouvernement a défini 5 axes pour atteindre cet objectif dans sa Déclaration de Politique Communautaire 2009-2014 : améliorer l’image du métier d’enseignant par des campagnes de sensibilisation, soutenir les jeunes enseignants, améliorer et simplifier les statuts des acteurs de l’enseignement, faciliter les remplacements de courte durée et dynamiser la carrière enseignante. Or, à ce jour, aucune de ces belles intentions n’a été finalisée par des mesures concrètes.
Le vrai courage politique consisterait à s’attaquer au problème à sa base, c’est-à-dire à rendre à nouveau la fonction enseignante attrayante pour les jeunes diplômés, tout en évitant qu’ils ne la quittent désabusés voire dégoûtés après quelques années. Pour atteindre ces objectifs, il conviendrait d’instaurer rapidement une réforme de la formation initiale et continuée des enseignants afin qu’ils soient mieux armés face aux exigences et aux difficultés du métier, tout en amenant une revalorisation sociétale et pécuniaire de la profession. Il serait également capital d’accompagner les enseignants débutants, en les confiant par exemple à des professeurs expérimentés sous forme de tutorat ou de co-titulariat et offrir ainsi une alternative à la DPPR à ceux qui le souhaitent mais aussi de prévoir un renforcement du dispositif d’encadrement différencié permettant aux enseignants des écoles « défavorisées » d’être secondés dans leurs missions par des membres du personnel enseignant, éducateur, paramédical ou social.
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