- Olivier Starquit
Pipolisation et politique
Ce phénomène est d’une brûlante actualité. D’ailleurs, le terme a fait sa joyeuse entrée dans le Larousse de 2010 qui le définit comme suit : « médiatisation souvent perçue comme pernicieuse d’institutions étrangères au monde du spectacle. »
Comment l’expliquer ? D’une manière générale, nous pouvons affirmer qu’il est concomitant à l’arrivée de la publicité et à la pression de l’audimat.
Si la Belgique francophone est relativement épargnée, il est intéressant de constater que la pipolisation sévit furieusement en Flandre, avec la participation très fréquente d’hommes politiques à des émissions de divertissement.
Comment expliquer l’attrait de ces émissions sur les hommes politiques ?
Nous pourrions facétieusement dire que ceci est normal à une époque où « les marchands gouvernent, les techniciens administrent et les hommes politiques passent à la télévision »1.
Plus sérieusement, la participation à ces émissions représente un effet d’aubaine électoral pour les partis politiques.
Un des objectifs de la pipolisation est d’aller chercher des voix dans le marais. Et la télévision n’est-elle pas le meilleur moyen de toucher le plus grand nombre ? Peu importe qu’il faille édulcorer, voire éliminer le propos politique. D’ailleurs, le projet compte largement moins que la proximité escomptée.
Ce phénomène suscite toutefois diverses questions : vote-t-on pour Papa (pour citer un des rares hommes politiques francophones à user de cette ficelle) pour ses frasques médiatiques ou pour ses idées ? La même question peut être posée concernant la N‑VA : 28% de ses électeurs ont–ils voté pour son programme séparatiste ou pour plébisciter la bonhomie de son président ?
Pire, cette confusion entretenue entre vie privée et vie publique tend à édulcorer le jugement que l’on pourrait porter sur le positionnement politique d’une personne connue. Le désaccord entre la presse des deux côtés du pays concernant la couverture du décès de Marie-Rose Morel illustre ce questionnement : d’un côté, on souligne le décès d’une femme politique qui a fait carrière au sein du Vlaams Belang, de l’autre, on accentue la disparition d’une courageuse maman qui a lutté contre le cancer.
Un autre effet collatéral est la carbonisation des hommes politiques : qui se souvient encore de Steve Stevaert, cet ex-président du SP.A qui a brillé de mille feux et a été accaparé par tous les médias pour s’éteindre tout aussi rapidement ?
Dès qu’ils jouent de la pipolisation, le personnel politique devient un objet dont l’obsolescence est programmée et dont le discours est, télé oblige, simplifié à l’extrême.
Ce qui n’est pas sans conséquence sur la qualité du débat politique.
Et c’est ainsi que le divertissement, loin de son sens philosophique, est une occupation qui détourne l’homme de penser aux problèmes essentiels qui devraient le préoccuper.
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