• Claude Emonts
    Président du CPAS de Liège et de la Fédération des CPAS de l’UVCW

Pour un plan d'accompagnement des chômeurs qui accompagne… réellement !

La poli­tique d’activation des chômeurs a été mise en place par le Gouver­ne­ment fédé­ral en 2004. Cette poli­tique a rapi­de­ment trans­formé l’accompagnement des deman­deurs d’emploi et la lutte, essen­tielle, contre l’augmentation du nombre de chômeurs, en un système d’exclusion du chômage d’un grand nombre des deman­deurs d’emploi et à une dimi­nu­tion arti­fi­cielle des chiffres de celui-ci.

L’application de ce plan pose bien des ques­tions. Faut-il faire porter sur les chômeurs la respon­sa­bi­lité du chômage ? Quelle est l’efficacité réelle du plan tel qu’il est appli­qué actuel­le­ment en terme d’insertion profes­sion­nelle ? Qui sont les exclus ? Sont-ce vrai­ment les « profi­teurs » du système ? Le droit au chômage n’est-il pas en train de se trans­for­mer en une forme cari­ta­tive d’assistance publique, octroyée ou reti­rée d’après le critère assez vague d’ « efforts suffi­sants pour trou­ver un emploi » ?

Cela dit, nous ne pensons pas qu’il faille s’opposer au prin­cipe du contrôle de la dispo­ni­bi­lité des chômeurs. Nous pensons en effet qu’on ne peut pas accep­ter des compor­te­ments abusifs qui remettent en ques­tion les fonde­ments de notre sécu­rité sociale. Mais les « deman­deurs d’emploi » ne peuvent deve­nir des « trou­veurs d’emploi » dans une région en défi­cit struc­tu­rel d’emploi, de surcroît touchée de plein fouet par la crise écono­mique que nous connais­sons actuel­le­ment. Ce qu’il faudrait mettre en place, c’est un véri­table accom­pa­gne­ment, social et humain des deman­deurs d’emploi, centré sur la moti­va­tion et la parti­ci­pa­tion. Il faut privi­lé­gier la parti­ci­pa­tion citoyenne, l’émancipation sociale, la forma­tion et la mise à l’emploi des chômeurs, en tenant compte de leurs capa­ci­tés et leur situa­tion personnelle.

Pour atteindre l’objectif de réduc­tion des chômages, le Gouver­ne­ment fédé­ral passe par un exer­cice de pres­ti­di­gi­ta­tion : il sort ceux-ci des statis­tiques pour les « expé­dier » ailleurs, et notam­ment dans les CPAS.

En déci­dant d’exclure les chômeurs, le Gouver­ne­ment, via l’Onem, prend des déci­sions poli­tiques qui impliquent les pouvoirs locaux, tout en leur lais­sant le soin d’en assu­mer une part impor­tante des consé­quences. Nous pensons au contraire qu’il doit assu­mer la respon­sa­bi­lité de ses déci­sions. Il est inac­cep­table de faire peser la charge finan­cière sur les épaules des CPAS, et de surcroît dans les communes les plus pauvres. Pour les CPAS, il faut savoir que les consé­quences finan­cières de ce plan sont impor­tantes. La récente étude réali­sée par Ricardo Cherenti, Chef du service inser­tion socio­pro­fes­sion­nelle de la Fédé­ra­tion des CPAS de Wallo­nie, a permis de chif­frer le coût global de ce plan pour les CPAS wallons en 2009 à 36 millions d’euros, soit le double de l’année précé­dente1. En 2009, le nombre de personnes sanc­tion­nées ou exclues de l’Onem et prises en charge par les CPAS wallons a en effet consi­dé­ra­ble­ment augmenté puisqu’il était de 4499, contre 2637 en 2008 et seule­ment 373 en 2005. Cela fait main­te­nant trois ans que les CPAS réclament des solu­tions struc­tu­relles pour les trans­ferts de charge de l’Onem vers les CPAS et que les auto­ri­tés font la sourde oreille.

Pour­tant, 176 Conseils de l’action Sociale des CPaS wallons ont voté une motion deman­dant au Gouver­ne­ment fédé­ral de suspendre le plan d’accompagnement des chômeurs. Plusieurs communes ont égale­ment adopté cette motion. Le Comité direc­teur de la Fédé­ra­tion des CPaS a, lui aussi, adopté une motion de prin­cipe inter­pel­lant le Gouver­ne­ment fédé­ral pour qu’il recon­si­dère son plan d’accompagnement des chômeurs afin qu’il accom­pagne et non qu’il sanc­tionne de manière auto­ma­tique, tout en faisant payer la facture à d’autres.

En atten­dant cette solu­tion struc­tu­relle, qui tarde cepen­dant à venir, on devrait à tout le moins indem­ni­ser les CPaS par le rembour­se­ment des allo­ca­tions octroyées et par l’intervention dans les frais de person­nel et de fonc­tion­ne­ment appor­tés par la surcharge.

Pour nous, en conclu­sion, deux grandes lignes de force se dégagent. D’un côté nous affir­mons que l’aide sociale est un droit et que l’abus menace ce droit ; voilà pour­quoi le prin­cipe de sanc­tions ne nous gêne pas si l’abus est avéré et sérieux. D’autre part, nous disons aussi qu’il est immo­ral de sanc­tion­ner le fait de ne pas trou­ver un emploi… là où l’offre d’emploi fait défaut. Enfin, nous affir­mons qu’il est aussi immo­ral de faire payer par le voisin les consé­quences d’une déci­sion que l’on devrait assu­mer finan­ciè­re­ment soi-même. Et, « last but not least », nous pensons que cette atti­tude fait passer le prin­cipe de soli­da­rité du fédé­ral au local, soit du plus riche au plus pauvre.


  1. Voir le détail du calcul dans l’étude de R. Cherenti, Les sanc­tions Onem – D’une sécu­rité sociale à une insé­cu­rité sociale – Impli­ca­tions pour les CPAS, Fédé­ra­tion des CPAS, UVCW, mars 2010, www​.uvcw​.be/​c​pas.
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