• Marilène De Mol
    Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale

Des nouvelles formes de pauvreté ?

La pauvreté est un phénomène multidimensionnel et complexe. Pour parler de « nouvelles formes » de pauvreté, il faudrait définir précisément ce que l’on entend par pauvreté et connaître les contours exacts de ses « anciennes formes ». L’objectif de cet article n’est pas de se livrer à cet exercice périlleux. Le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale constate néanmoins, sur la base de ses travaux, le renforcement de certaines tendances.

Tous les deux ans, nous pu­blions un Rapport, résultat des réflexions menées au sein de groupes de concertation réunis­sant des associations dans les­quelles des personnes pauvres se reconnaissent, des travailleurs de terrain, des partenaires so­ciaux, des représentants de services sociaux publics ou privés … Cette publication établit des analyses et formule des re­commandations. Elle se veut une source tant d’information que d’inspiration pour les décideurs politiques1.

La pauvreté est bien entendu intimement liée aux revenus des personnes. Sous cet angle, selon la dernière enquête EU-SILC sur le revenu et les conditions de vie, en 2007, 14,7 % de la population appartient au groupe présentant un risque élevé de pauvreté en Belgique2 c’est-à-dire vivant avec un montant disponible pour une personne isolée de moins de 899 euros par mois. Ce pour­centage est relativement stable ces dernières années. Mais cette stabilité statistique signifie-t-elle une absence d’évolution dans les problématiques liées à la pauvreté? Non. Certaines tendances semblent se dégager et principa­lement celle de la dégradation du marché de l’emploi. On a longtemps considéré comme acquis qu’un travail rémunéré était une protection contre la pauvreté. On constate aujourd’hui que ce n’est plus aussi vrai que par le passé, notamment au travers du nombre grandissant de travailleurs pauvres : des personnes qui ont un travail (temps partiel, contrats de courte durée, sous-statuts divers … ) mais dont le re­venu est insuffisant pour mener une vie conforme à la dignité humaine, en raison notamment de leur situation familiale et sociale (isolées, seule source de revenu au sein d’une famille, etc.).

On a longtemps considéré comme acquis qu’un travail rémunéré était une protection contre la pauvreté. On constate aujourd’hui que ce n’est plus aussi vrai que par le passé, notamment au travers du nombre grandissant de travailleurs pauvres : des personnes qui ont un travail (temps partiel, contrats de courte durée, sous-statuts divers … ) mais dont le re­venu est insuffisant pour mener une vie conforme à la dignité humaine, en raison notamment de leur situation familiale et sociale (isolées, seule source de revenu au sein d’une famille, etc.).

Notre dernier Rapport, paru en décembre 2009, reflète cette évolution en réservant un chapitre important à la qualité de l’emploi au travers de l’analyse des cri­tères d’emploi convenable. Il met en évidence le constat que les objectifs chiffrés de taux d’em­ploi couplés à un manque struc­turel d’emplois renforcent la ten­dance actuelle selon laquelle tout emploi, parce qu’il est un emploi, serait acceptable. Le Rapport insiste au contraire sur le fait qu’un emploi ne peut jouer un rôle de levier efficace contre la pauvreté que s’il est de qualité. Pour être décent, un emploi doit assurer un revenu correct et permettre de se projeter dans l’avenir, de s’épanouir, de construire un futur pour sa famille. C’est la raison pour laquelle il est important que le revenu soit régulier et prévisible, ce qui n’est pas évident dans un contexte de flexibilisation des contrats de travail et de changements de statuts fréquents (emploi temporaire, travail inté­rimaire … ). Cette vision doit être au cœur de l’interprétation des critères d’emploi convenable de la réglementation du chômage. Le Rapport recommande à ce sujet un socle de critères d’em­ploi convenable ambitieux de manière à constituer un véritable rempart contre les emplois précaires.

Comme nous le soulignions en introduction de cet article, il nous semble difficile de coller un label « nouveau» sur certaines problématiques rencontrées par les personnes qui vivent en si­tuation de pauvreté. La pauvreté a toujours présenté des caractéristiques variables, au-delà de certains traits communs récurrents. Il n’y a pas de profil-type de la personne pauvre. On pour­rait alors se poser la question de savoir pourquoi l’expression « nouvelle pauvreté » réapparaît régulièrement. Quand davantage de personnes se sentent fragilisées ? Quand des personnes jusque-là à l’abri de difficultés financières en rencontrent ?

Il n’y a pas de profil-type de la personne pauvre. On pour­rait alors se poser la question de savoir pourquoi l’expression « nouvelle pauvreté » réapparaît régulièrement. Quand davantage de personnes se sentent fragilisées ? Quand des personnes jusque-là à l’abri de difficultés financières en rencontrent ?

Qu’elles soient cataloguées de « nouveaux» ou d’« anciens» pauvres, les personnes qui vi­vent dans la pauvreté subissent, au quotidien, à des degrés di­vers, des atteintes à leurs droits fondamentaux : droit à la vie de famille, à la protection de la santé, à un logement décent, à un travail … Combattre la pauvreté passe donc par la restauration de l’exercice des droits de tous.


  1. Les travaux du Service sont disponibles sur le site www.luttepauvrete.be.
  2. Il est important de garder à l’esprit que le choix d’un « seuil de risque de pauvreté » est un choix conventionnel nécessaire pour établir des statistiques. Il convient de prendre cette mesure de la pauvreté avec une distance critique. Ce seuil de 60 % du revenu équivalent médian national correspond-il à un seuil de revenu au-dessus duquel les personnes peuvent mener une vie conforme à la dignité humaine ?
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