-
Loïc Decamp,
animateur chez Peuple & Culture Wallonie-Bruxelles.
Peuple & Culture Wallonie-Bruxelles, de l’éducation permanente à la lutte antifasciste
Peuple & Culture Wallonie-Bruxelles est une association d’éducation permanente dont les activités visent à favoriser et développer, principalement chez les adultes, une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société, des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation ainsi que des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique.
Il s’agit d’un milieu ouvert favorable à la rencontre et à la formation de militants politiques et syndicaux, d'enseignants, d'animateurs, de formateurs... d'acteurs associatifs engagés dans la lutte contre les inégalités.
Rien d’étonnant donc, à la mise sur pied de « Cafés antifascistes », des activités mobiles qui vont à la rencontre de plusieurs publics. Construits comme des lieux d'échanges et de débats sans langue de bois ni embrigadement où l'expression de chacun·e est libre et encouragée, ils se déroulent dans des espaces conviviaux, autour d'un verre.
Rencontre avec Loïc Decamp, animateur.
Loïc Decamp
Des Cafés Antifas ancrés dans la réalité
Salut & Fraternité : Qu’est-ce qu’un Café Antifa ? Quels sont ses objectifs et son histoire ?
Loïc Decamp : Les Cafés Antifas existaient déjà sous d’autres formes dans les milieux antifascistes liégeois. C’est initialement un lieu où l’on boit un verre en discutant. De 2010 à 2019, année de création du Front Antifasciste de Liège 2.0, l’essentiel de la lutte à Liège se trouvait dans les milieux anarchistes et le public associatif.
Quand j’ai commencé à travailler pour Peuple & Culture Wallonie-Bruxelles, la volonté de renouer avec le monde militant existait. J’ai donc proposé de lancer les Cafés Antifas en m’appuyant sur le Front Antifasciste de Liège 2.0, pour proposer un espace où ces luttes contre le fascisme sont également un lieu de formation et de débat public. L’idée était que chacune et chacun puisse s’en saisir, tout comme d’autres opérateurs socioculturels ou de l’éducation permanente, comme un enjeu important au regard de la situation politique aujourd’hui.
Historiquement, l’antifascisme a cette particularité d’unifier les différentes tendances de « gauche ». Bien qu’il s’agisse d’une lutte difficile car négative, elle propose un dénominateur commun à différents types de militants.
Le premier Café Antifa remonte à la période de la covid-19 car les débats suscités par la gestion de la pandémie se révélaient assez stériles sur les réseaux sociaux et ont divisé les collectifs et mouvements sociaux. Organisée en collaboration avec Barricade, la rencontre a tourné à la « foire d’empoigne », sur la question de la covid-19. L’idée n’était pas de se mettre d’accord, mais plutôt de sonder les hypothèses qui motivaient telle ou telle position des personnes. Cela a été un des rares espaces où l’on a abordé cette question.
Les animations des café antifascistes ne doivent pas être déconnectées de la réalité : l’idée est de partir du réel pour débattre de manière critique et agir en retour sur lui.
Au fur et à mesure, un public de participant.es s’est fidélisé et nous travaillons sur base d’un programme mensuel. L’initiative, la coordination et l’animation du Café Antifa vient de notre association mais nous travaillons avec les réseaux militants, les associations, en vue d’inciter à poursuivre les réflexions et actions.
Depuis 2021, il y a eu 23 rencontres chaque dernier samedi du mois : cela permet une régularité chez les participants. Nous invitons des collectifs, des intervenants, parfois en visioconférence, et nous accueillons entre 5 et 30 personnes à chaque édition. La première année, nous nous sommes focalisés sur les luttes contre les extrêmes droites. Cette année, nous mettons le focus sur l’antiracisme.
S&F : Ce dispositif est-il transposable à d’autres associations ?
L.D. : Oui, tout le monde peut organiser des Cafés Antifas. Nous serions d’ailleurs ravis qu’ils s’exportent ailleurs. C’est un lieu de débats où nous ne cherchons pas un accord systématique. Sur base de lectures ou de rencontres surgissent des problèmes face auxquels les personnes vont débattre avec distance critique pour éventuellement agir par la suite.
S&F : Vous avez créé un outil : un jeu. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
L.D. : Nous avons, en effet, produit un jeu qui s’appelle Clair-Obscur : la démocratie est en jeu. Son thème principal est l’extrême droitisation et nous donnons une formation pour sa prise en main dans une visée d’éducation permanente. Les personnes participantes y reçoivent un exemplaire du jeu.
Ce dernier est né suite à un appel à projets en 2022, qui a demandé beaucoup de travail au sein de notre association, depuis la conception jusqu’à la réalisation, en passant par le graphisme. Il s’agit d’un mélange de jeu de rôle et de plateau, avec beaucoup d’éléments et des règles complexes qui peut se pratiquer de 6 à 24 joueurs. C’est pourquoi la formation est nécessaire pour maîtriser l’outil.
Il traite des thématiques de l’immigration, du racisme et de la police. Les joueuses et joueurs sont divisés en trois équipes : la droite, la gauche, et les « ni-ni » et ils ont un objectif général qui est de garder un niveau démocratique « haut ».
Les mécanismes de jeu produisent une mise en tension et du débat : il faut donc pouvoir animer ce jeu. Les éléments scénarisés sont basés sur des faits réels avec un effort de vulgarisation sur les concepts, de manière à pouvoir y jouer avec des personnes peu coutumières des enjeux ou du langage politiques
< Retour au sommaire