• Martine Poncelet
    Martine Poncelet
    professeure de psychologie et neuropsychologie du langage à l’unité de recherche en psychologie et neuroscience cognitives (PsyNCog), à l’ULiège.

L’apport des neurosciences en matière d’apprentissage

Nous nous intéressons dans cet article aux neurosciences « cognitives » dont l’objectif est d’identifier les déterminants cérébraux des différents domaines de la cognition (perception, mémoire, attention, émotions, motivation, apprentissages, etc.). Pour ce faire, elle utilise diverses méthodes d’exploration du système nerveux central dont les techniques d’imagerie cérébrale par résonnance magnétique nucléaire (RMN) qui permettent d’obtenir des images de la structure du cerveau mais également de déterminer les régions cérébrales impliquées dans la réalisation de tâches cognitives spécifiques (mémoriser des chiffres, lire des mots, calculer, etc.). 

Pour illustrer l’apport des neurosciences cognitives en matière d’apprentissage, nous prendrons l’exemple de l’apprentissage du langage écrit. Les mécanismes par lesquels l’enfant apprend à lire ont fait l’objet de nombreuses études en psychologie cognitive. Ces études ont bien établi que l’apprentissage de la lecture requiert la mise en place de deux procédures de lecture. L’une est basée sur l’apprentissage d’un code de conversion entre les lettres et les sons et permet à l’enfant de déchiffrer les mots qui ne lui sont pas visuellement familiers (la plupart des mots écrits en début d’apprentissage). L’autre est basée sur un accès direct à la représentation orthographique des mots stockée en mémoire qui permet à l’enfant de reconnaître instantanément des mots écrits qu’il a déjà rencontrés auparavant. La procédure de déchiffrage basée sur l’apprentissage du code est fondamentale car elle permet à l’enfant de construire au fur et à mesure de sa rencontre avec de nouveaux mots qu’il parvient à déchiffrer correctement, un stock de représentations orthographiques qu’il pourra désormais utiliser pour reconnaître directement ces mots. L’enfant dyslexique éprouve des difficultés à acquérir ce code en raison d’une altération de ses représentations phonologiques (par exemple : des sons de la parole) ou de l’accès à celles-ci.

L’ensemble de ces données suggère que sur le plan des apprentissages, l’enseignement du code est fondamental et que par ailleurs, les enfants dyslexiques devraient pouvoir bénéficier d’entrainements basés sur la phonologie, ce qui est confirmé par le fait que les enfants entraînés de la sorte progressent davantage en lecture. En ce qui concerne les études en neurosciences cognitives, elles montrent que chez le lecteur tout-venant, la lecture de mots familiers et non familiers active à des degrés divers des réseaux cérébraux distincts, temporo-occipital pour les premiers et pariéto-temporal pour les seconds. Elles montrent en outre que chez l’enfant dyslexique, ces régions sont moins activées que chez le lecteur ordinaire lors de tâches de lecture et que les différentes régions impliquées dans la lecture sont en quelque sorte moins connectées que chez le lecteur ordinaire. 

Ces données confortent celles issues de la psychologie cognitive mais ne fournissent pas d’informations supplémentaires quant à la manière d’enseigner la lecture et de traiter l’enfant dyslexique. 

En termes d’apport des neurosciences cognitives en matière d’apprentissage, il apparaît dès lors que celles-ci ont plutôt le mérite d’appuyer et de mettre en lumière des données issues de la psychologie cognitive à partir desquelles il est éventuellement possible de tirer des conclusions sur la manière d’enseigner et de traiter des enfants en difficultés d’apprentissage. ♣♣♣

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