• Alain Moriau
    Alain Moriau
    directeur de Compas Format
Propos recueillis par Aline Kockartz

Compas Format : des projets pour les jeunes en décrochage scolaire

L’asbl Compas Format est fondée en 2002, et le service d’accrochage scolaire (SAS) Compas Format qui en est l’objet exclusif en 2004.

Le SAS est un concept de service d’insertion socio-scolaire initié en partenariat avec la Province de Liège, agréé et subventionné par les Ministères de l’Enseignement et de l’Aide à la Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 

Ici, la prise en charge du jeune en décrochage scolaire et/ou exclu des écoles est limitée dans le temps, de un jour à trois mois, renouvelable une fois. Le projet pédagogique de Compas Format repose sur une approche systémique avec le jeune, sa famille et sur le travail en réseau avec les partenaires extérieurs. 

L’action de l’association se base sur un accompagnement individualisé et sa réussite est fondée sur le projet individuel du jeune, dont la finalité est de dégager des perspectives positives d’avenir à partir d’objectifs concrets. Compas Format prend en charge entre 130 et 175 jeunes par an à Seraing, Waremme et Verviers.

Sur le site de Compas Format, on peut lire les retours des jeunes pris en charge par l’association. Ainsi, Nikolas écrit en 2015 : « Je me suis senti fier de passer au SAS et d’avoir pu changer mes comportements. Je vis bien et j’ai atteint mon objectif de devenir carreleur » ; tandis qu’Esmeralda témoigne en 2017 : « Mon expérience au SAS a été compliquée. J’ai dû faire des choses que je n’aurais jamais faites avant et pourtant, au final, j’ai trouvé mes objectifs. (…) Je ne remercierai jamais assez l’équipe du SAS pour m’avoir remis les idées en place et surtout pour m’avoir aidée à remonter cette longue pente ».


Entretien avec

Alain Moriau

Donner la parole aux jeunes, premier pas vers la citoyenneté

Salut & Frater­nité : Comment travaille-t-on les valeurs laïques avec les jeunes en décro­chage ­scolaire ? 

Alain Moriau : Compas Format déve­loppe des valeurs laïques et compa­gnon­niques : la trans­mis­sion du savoir pour les jeunes ne vient pas néces­sai­re­ment des ensei­gnants et éduca­teurs ; elle s’échange entre les jeunes. On est dans l’éducation perma­nente, dans la tolé­rance, la trans­mis­sion de savoirs, l’échange, la soli­da­rité. 

Nous avons de petites équipes de quatre travailleurs par service (à Verviers, Seraing et Waremme), compo­sées d’un ensei­gnant, deux éduca­teurs et un respon­sable de site. 

Le travail avec le jeune se fait entre un jour et trois mois renou­ve­lable une fois. Si on constate après une semaine que le jeune est sur une vague posi­tive et a un projet d’avenir, alors on ne le garde pas dans nos services et on le fait avan­cer direc­te­ment sur son projet. Dans d’autres cas, cela prend plus de temps, et on travaille en réseau avec diffé­rents services sociaux, le service de l’aide à la jeunesse (SAJ), le service de protec­tion de la jeunesse (SPJ), les écoles, des psycho­logues, des aides en milieu ouvert (AMO) et d’autres parte­naires exté­rieurs : de cette façon, à partir du projet du jeune, on fait un travail de maillage social. C’est un modèle que nous avons déve­loppé, c’est un choix que nous avons fait de n’avoir dans nos équipes que des ensei­gnants et éduca­teurs et de s’ouvrir à l’extérieur pour favo­ri­ser les projets des jeunes et décloisonner.

On ne stig­ma­tise pas le jeune qui se retrouve chez nous : nous avons des jeunes issus de milieux préca­ri­sés mais pas seule­ment. Le parcours des jeunes peut être semé d’embuches mais il peut très vite s’en sortir. Nous mettons en valeur ce que le jeune fait et nous voulons qu’il soit fier de ce qu’il fait chez nous. Pour que le jeune qui a des problèmes puisse s’épanouir, nous pensons qu’il ne faut pas le cacher : « Donner la parole au jeune », c’est un prin­cipe qui guide notre travail. Comment donner au jeune la possi­bi­lité de deve­nir citoyen, si on ne la lui donne pas ?

S&F : En période de confi­ne­ment, comment se passe l’accompagnement de jeunes ? Quels constats posez-vous ? 

A.M. : Pendant le premier confi­ne­ment, nous avons fermé nos sites d’activités mais nos équipes éduca­tives étaient dispo­nibles par télé­phone et par mail, nous avons conti­nué notre mission. Nous étions dans une situa­tion diffi­cile, les sites fermés et les jeunes et les équipes éduca­tives en confi­ne­ment, les jeunes se trou­vaient donc chez eux. Dans certaines familles préca­ri­sées, il y a un accès inter­net mais parfois il n’y a qu’un seul ordi­na­teur par famille. Nous avons donc demandé une aide à CAP48 et avons béné­fi­cié d’un subside et acheté des PC que nous avons distri­bués aux familles les plus en diffi­culté. Avec le confi­ne­ment nos ensei­gnants ne pouvaient pas aller dans la famille ; les cours ont dû être orga­ni­sés par inter­net, ainsi que les prises de contact avec les jeunes. Malheu­reu­se­ment, cinq PC pour 50 jeunes béné­fi­ciaires c’est très peu…

Malgré tout, nos équipes ont pour­suivi le travail avec les jeunes (entre­tiens et travail à distance) mais il n’y avait plus de cours dans les services et le travail avec les parte­naires en réseau était difficile.

On s’attendait donc à la rentrée de septembre à avoir un pic de demandes de prise en charge. Or, il s’avère que la situa­tion est la même que les autres années. Nous l’expliquons par la crise sani­taire elle-même : certaines écoles attendent de nous envoyer des jeunes car elles consi­dèrent qu’envoyer un jeune dans un service d’accrochage scolaire (SAS) consti­tue une « nouvelle » bulle (en plus de l’école et la maison). Avec la crise de la covid, la prise en charge d’un jeune en diffi­culté est donc retar­dée. Une autre raison est la peur des familles d’envoyer égale­ment un jeune : le SAS est un établis­se­ment inter­mé­diaire et non perma­nent. 

© Compas Format

S&F : Compas Format a mis en place une action de crowd­fun­ding avec CAP48 : quel est l’objectif de ce soutien ? 

A.M. : CAP48 est devenu un parte­naire depuis quelques années via des appels à projets et le LabCAP481#un qui propose du crowd­fun­ding. Nous les avons d’abord inter­pel­lés pour une aide au niveau des bâti­ments ; ensuite, par rapport à la période de la covid pour lancer un programme de soutien pour les jeunes dans leur travail à domicile.

CAP48 est un parte­naire précieux. Il nous permet d’avoir des budgets et des subsides dont nous ne pour­rions pas béné­fi­cier par le service public : nous rece­vons une enve­loppe de frais de fonc­tion­ne­ment qui est de plus en plus serrée chaque année. Cette aide exté­rieure nous permet de respi­rer et d’investir dans les frais de fonc­tion­ne­ment, dans des acti­vi­tés au béné­fice des jeunes et dans, nous l’espérons, une aide pour la construc­tion de nos futurs bâti­ments de Verviers et Seraing (accès PMR, des locaux moins éner­gi­vores, etc.). Cet argent écono­misé permet donc d’aider les jeunes sur le terrain, même si on regrette que ce soutien ne puisse pas être offert par les pouvoirs publics. 

Aujourd’hui, après la construc­tion de nos bâti­ments de Waremme, nous avons une bonne nouvelle. Les crédits et les finan­ce­ments sont accep­tés pour nos locaux de Verviers et de Seraing. Les travaux vont pouvoir commen­cer fin janvier 2021. Nous aurons donc de tout nouveaux bâti­ments à Verviers et à Seraing, tota­le­ment adap­tés à nos besoins pour accom­plir notre mission.♣♣♣


  1. Voir : lab.cap48.be/pages/a‑propos
  •  compas​-format​.eu
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