- Hervé Persain,
président du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège
Le mot du président
La crise sanitaire nous confronte à une remise en question fondamentale de l’organisation de la société. Traverser des épreuves de cet ordre nous fournit les arguments qui nous poussent à évaluer les choix posés par l’humanité depuis ces dernières décennies, tant sur le plan national qu’européen, et même mondial. Quel regard portons-nous à ce jour sur le modèle économique et social qui s’est imposé au détriment de l’intérêt de l’ensemble des peuples ? Les conséquences néfastes, par exemple en matière de santé publique, n’apparaissent-elles qu’aux plus pauvres, victimes d’un système de soins privatisé, basé sur une médecine subventionnée à l’acte, un système de santé qui ne poursuit plus seulement des finalités d’efficacité médicale et de prévention mais qui doit répondre de plus en plus à des impératifs économiques ? Ces exigences de rentabilité financière entraînent des réductions du nombre de lits disponibles, des équipements et du personnel de soins limités et encouragent une médecine à deux vitesses… Comme le principe du jiko sekinin (La responsabilité personnelle) l’induit au Japon, allons-nous culpabiliser les malades et les bénéficiaires de l’aide sociale sous l’opportun mais fallacieux prétexte… qu’ils l’ont bien cherché ?
Les critères qui dirigent nos choix en matière de services au public, d’accès aux biens de première nécessité, sont dictés non plus par un système politique de régulation sociétale dans l’intérêt du plus grand nombre mais par des impératifs de rentabilité au profit de ceux qui s’achètent les droits d’exploitation de la planète à leur propre profit.
N’est-il pas l’heure de nous battre à nouveau pour un État social fort, garant d’une sécurité sociale basée sur la solidarité ? (…)
À tel point qu’aujourd’hui, les partisans du droit du plus fort sont arrivés à désarmer le politique et à s’approprier le pouvoir en se cachant derrière cette chimère de la « main invisible », qui est de plus en plus loin de distribuer des dividendes à toutes les couches de la population.
N’est-il pas l’heure de nous battre à nouveau pour un État social fort (comme le défend Édouard Delruelle dans son essai Philosophie de l’État social paru cette année aux éditions Kimé), garant d’une sécurité sociale basée sur la solidarité, de services publics bénéficiant à l’ensemble des citoyennes et citoyens, d’un droit du travail qui protège les intérêts des travailleuses et des travailleurs, et non ceux des mécanismes d’exploitation au profit d’un nombre de plus en plus restreint de privilégiés ? Cette exigence de solidarité sociale qui est nôtre est le fruit d’une construction récente dans notre histoire pour laquelle des hommes et des femmes ont lutté parfois au péril de leur vie pour l’obtention d’acquis sociaux. Le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège vous invite chaque jour à en débattre lors de la visite de son parcours permanent En Lutte. Histoires d’émancipation situé à La Cité Miroir.
Aurons-nous la force d’inverser la tendance… et sur quelles bases ? Le bien de tous et toutes, ou le triomphe d’une élite ? La violence comme solution à la gestion des intérêts divergents, à la manière dont les chimpanzés au nord du fleuve Congo règlent leurs différends, ou une coexistence pacifique comme y sont arrivés les bonobos sur la rive sud du même fleuve ? Desquels allons-nous in fine suivre les traces ?
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