• Benoît Van der Meerschen
    Benoît Van der Meerschen
    secrétaire général adjoint du Centre d’Action Laïque

Des services publics de qualité : un combat laïque

Bien des choses seront à analyser et des leçons à tirer après ces (trop) longues semaines de confinement et de navigation à vue pour la plupart d’entre nous mais, dans ce contexte incertain propice au meilleur comme au pire, quelques certitudes se dégagent déjà et au moins une avec éclat : les services publics sont indispensables au bon fonctionnement de notre société et il serait particulièrement saugrenu aujourd’hui1 pour quiconque d’oser affirmer le contraire.


Le mouvement laïque en est particulièrement conscient et la défense des services publics était un des fils rouges de son mémorandum pré-électoral l’an dernier.

Ce positionnement est la conséquence logique de ce principe de laïcité qui précisément nous mobilise. En effet, à l’issue d’un long travail de réflexion interne, le Centre d’Action Laïque a revisité son objet social et définit la laïcité comme suit : « la laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. Il oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen. »
Cette définition est riche d’enseignements, y compris lorsque l’on évoque la question des services publics.

Le principe de laïcité oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation. Cela implique la mise en place d’administrations à même de remplir leur mission. CC-BY-NC-SA Flickr.com – Jeanne Menjoulet

Le principe de laïcité oblige l’État de droit. Il s’agit donc d’un devoir pour l’État et, concrètement, ce dernier ne pourra pleinement mettre ledit principe en application, et le faire respecter, que dans l’hypothèse où il peut s’appuyer sur des administrations à même « de préserver l’intérêt de la collectivité et non pas de groupes, communautés ou segments de notre société2  ».

En ce sens, le mouvement laïque ne peut que militer pour des services publics forts et à même de remplir leur mission.

Des services publics sur la sellette depuis trop longtemps

Pourtant, cela fait des décennies que, loin de préserver l’État-providence, les politiques et les pouvoirs publics n’hésitent plus à eux-mêmes détricoter les protections sociales et mettre à mal ces services publics.

Qu’on les drape dans les oripeaux de l’État « social actif » ou que l’on vilipende les « droits acquis », la célébration à tous crins de la responsabilité individuelle a fait perdre de vue à beaucoup que son corollaire est forcément l’irresponsabilité collective.

Et malgré les multiples invitations à penser le « monde d’après » autrement, penser un seul instant que l’épreuve de la pandémie suffira à faire s’évaporer ce discours serait d’une naïveté coupable. Il reviendra bien sûr sous des formes édulcorées telle l’idée qu’il faut vivre avec son temps et s’adapter, même pour les services publics, au monde du XXIe siècle en acceptant les logiques de rentabilité.

(…) la célébration à tous crins de la responsabilité individuelle a fait perdre de vue à beaucoup que son corollaire est forcément l’irresponsabilité collective (…)

De cela, nous ne pouvons nous satisfaire. D’autant plus que ce discours, présenté comme une description naturelle du monde ne peut évidemment que déranger un mouvement comme le nôtre dont l’ADN nous pousse à toujours écarter toute solution facile d’engagement doctrinal. En fin de compte, le principal travail qui nous attend est peut-être d’abord là : éviter la résignation et créer les conditions du questionnement, de la réflexion, du débat et, enfin, de l’action.

Les enjeux immédiats

Ceux-ci ont en partie été énoncés par la nouvelle présidente du Centre d’Action Laïque, Véronique De Keyser, qui, d’emblée dans ses premières déclarations publiques3 , a ciblé la nécessaire solidarité avec les plus démunis et le besoin de sanctuariser le domaine de la santé.

La crise de la covid 19 l’a démontré et amplifié cruellement, ce sont en effet les plus précarisés qui constituent les premières victimes de la crise, dans ses aspects sociaux comme sanitaires, et ce aussi parce qu’ils étaient déjà les victimes de l’affaiblissement des services publics.

À l’heure où beaucoup ont tout simplement faim ou vont perdre travail ou logement, il convient de marteler comme Édouard Delruelle4 que l’État n’est pas le problème mais au contraire la solution et ce en raison précisément du caractère universel des services offerts.


  1. Demain demeure cependant un autre jour…
  2. Édouard Delruelle, « L’État social et les « luttes-frontière » du XXIe siècle », Espace de libertés, mai 2020 (n° 489)
  3. Véronique De Keyser, « Édito : covid 19 et laïcité », Espace de libertés, juin 2020 (n° 490)
  4. Édouard Delruelle, « L’État social et les « luttes-frontière » du XXIe siècle », Espace de libertés, mai 2020 (n° 489)
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