• Henri Bartholomeeusen
    Henri Bartholomeeusen
    président du Centre d’Action Laïque

La laïcité comme principe universel d’impartialité

Le 16 avril 2016, le Centre d’Action Laïque (CAL) a voté une modi­fi­ca­tion de l’article 4 de ses statuts qui défi­nit la laïcité. Parce que la laïcité est un prin­cipe poli­tique et huma­niste qui oblige le pouvoir civil, parce qu’elle ne se limite pas à la sépa­ra­tion des Églises et de l’État, parce qu’elle diffère d’un régime de neutra­lité ou de tolé­rance à l’anglo-saxonne, parce que la laïcité se fonde sur les liber­tés indis­so­ciables des droits humains, l’égalité et la soli­da­rité, parce qu’elle défend l’école égali­taire qui garan­tit le partage des savoirs et l’exercice du libre examen, la laïcité se défi­nit désor­mais comme le prin­cipe univer­sel d’impartialité qui auto­rise le régime des libertés.

Ce chan­ge­ment fut le résul­tat d’une démarche claire et posée. En effet, le message laïque s’était trou­blé au fil des ans — dans l’opinion publique comme dans le mouve­ment laïque lui-même — autour du débat sur la laïcité poli­tique et philo­so­phique, notamment.

Comment défendre un concept de portée univer­selle, la laïcité, alors que le terme est intra­dui­sible en anglais, ou même, plus simple­ment en néer­lan­dais ? Et je ne parle pas du danois ou du manda­rin. Comment, par exemple, défendre à l’échelon euro­péen, dans ce nouvel espace poli­tique et citoyen, les valeurs de la laïcité, si nous nous canton­nions — tant dans l’action que sur le plan séman­tique — au petit monde de la fran­co­pho­nie belge ? Comment nous rendre simple­ment intel­li­gibles pour le reste du monde ?

Comment, par exemple, défendre à l’échelon euro­péen, dans ce nouvel espace poli­tique et citoyen, les valeurs de la laïcité, si nous nous canton­nions — tant dans l’action que sur le plan séman­tique — au petit monde de la fran­co­pho­nie belge ?

Sous la houlette de Pierre Galand, à la suite de Georges Liénard, le Centre d’Action Laïque avait pris l’initiative de dyna­mi­ser la Fédé­ra­tion Huma­niste Euro­péenne. Le terme « huma­niste » semblait désor­mais consti­tuer ainsi le plus petit commun déno­mi­na­teur de la laïcité en Europe. En accep­tant la prési­dence de la Fédé­ra­tion Huma­niste Euro­péenne, le CAL devait tenter d’expliquer et de défendre nos valeurs dans un contexte poli­tique et légis­la­tif plus large, resti­tué à la réflexion citoyenne.

Il conve­nait ensuite de permettre à la jeune géné­ra­tion de se réap­pro­prier la défi­ni­tion même de la laïcité. Qu’elle émane des commu­nau­tés confes­sion­nelles ou des mili­tants laïques, l’objection était la même. Comment le CAL pouvait-il défendre une défi­ni­tion aussi équi­voque, contraire à son histoire que celle qui consis­tait à l’adjectiver, l’atomiser en laïcité belge, fran­co­phone, poli­tique d’une part et philo­so­phique d’autre part ? Si le CAL s’était vu confier la mission d’assurer la défense des valeurs de la commu­nauté non confes­sion­nelle, le terme même de « commu­nauté laïque » demeu­rait un oxymore criti­quable et de plus en plus criti­qué. Il contri­buait à brouiller les pistes. Le mili­tan­tisme anti­clé­ri­cal d’hier n’a pas perdu son sens aujourd’hui, mais il fallait néan­moins cesser de le confondre avec le procès des croyants. S’il convient de combattre les radi­ca­lismes violents, notam­ment reli­gieux tels que l’islamisme, l’intégrisme ou le fonda­men­ta­lisme, il faut consta­ter que la jeune société multi ou inter­cul­tu­relle qui émerge réclame des combats plus actuels que celui de nos pères ou … grands-pères vieillis­sants. La liberté — dont celle des cultes —, l’égalité des sexes ou des genres, la suppres­sion des discri­mi­na­tions, d’autant plus perni­cieuses qu’elles sont diffi­ci­le­ment iden­ti­fiables, sont bien davan­tage au centre de ses préoccupations.

Le 16 avril 2016, trois jours après l’assemblée géné­rale du Centre d’Action Laïque commu­nau­taire, les membres repré­sen­ta­tifs de la régio­nale liégeoise ont voté à leur tour le chan­ge­ment de défi­ni­tion dans les statuts de l’association.

Le reproche auquel il conve­nait de répondre — fut-il injuste — était d’avoir abdi­qué la laïcité et ses prin­cipes pour des posi­tions parti­sanes et dépas­sées. Les événe­ments drama­tiques que nous avons connus dans les mois et les années qui suivirent, la résur­gence des radi­ca­lismes et du terro­risme qui ébranlent nos socié­tés, ont certai­ne­ment sensi­bi­lisé les commu­nau­tés confes­sion­nelles et le monde poli­tique aux vertus de la laïcité. Les partis poli­tiques commen­cèrent à emprun­ter le pas. Les diffé­rentes démarches que nous avons faites dans leur direc­tion y ont gran­de­ment contri­bué. Les confé­rences et inter­ven­tions média­tiques se sont succé­dées. Nous ne nous sommes plus satis­faits des expli­ca­tions — sans doute confuses aux yeux de certains — d’une laïcité « à la belge ».

Les événe­ments drama­tiques que nous avons connus dans les mois et les années qui suivirent, la résur­gence des radi­ca­lismes et du terro­risme qui ébranlent nos socié­tés, ont certai­ne­ment sensi­bi­lisé les commu­nau­tés confes­sion­nelles et le monde poli­tique aux vertus de la laïcité.

La défi­ni­tion de la laïcité est essen­tielle au moment de réen­vi­sa­ger une possible modi­fi­ca­tion de la Consti­tu­tion, la suppres­sion progres­sive des cours de reli­gion à l’école publique, leur contrôle dans l’enseignement subven­tionné, leur rempla­ce­ment par un cours commun, une véri­table impar­tia­lité du pouvoir civil et de ses prépo­sés sur les plans fédé­ral, commu­nau­taire et régio­nal, une démo­cra­ti­sa­tion accrue de l’école…

Sans oublier la place d’autres liber­tés qui touchent à l’exercice du choix de vie, de la famille, du genre, du choix du terme de sa propre vie… Sans omettre le néces­saire combat pour une égalité, une soli­da­rité indis­pen­sables à plus de justice sociale.

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