• Bernadette Rasquin
    Bernadette Rasquin
    administratrice de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente - Liège
  • Thomas Herremans
    Thomas Herremans
    administrateur de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente - Liège
  • Véronique Limère
    Véronique Limère
    présidente du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège
Propos recueillis par Dorothy Bocken

La ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente - Défendre et promouvoir l’enseignement public et l’éducation laïque !

L’histoire de la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente (LEEP) illustre l’opposition entre les mouvements laïques et la volonté de l’Église catholique, soucieuse de conserver la primauté sur l’enseignement qu’elle dirigeait exclusivement depuis 1842.

C’est pour réagir à cette situation qu’en 1864, la Ligue de l’Enseignement fut créée par un groupe de libres penseurs.

Tout au long de son histoire, se profilent trois grands axes permanents : tout d’abord, propager et améliorer l’instruction et l’éducation du plus grand nombre, filles et garçons. Il s’agit également de promouvoir et assurer la primauté d’une école officielle, laïque et neutre, ainsi que l’amélioration du statut social de l’instituteur. Enfin, la LEEP souhaite ne pas limiter l’instruction au seul milieu scolaire, et donc développer des systèmes d’éducation permanente comme les bibliothèques, les cours publics et les écoles d’adultes. Elle rédige et diffuse aussi des publications relatives à l’instruction et à l’éducation.

Le Conseil d’administration actuel de la Ligue de Liège entend bien s’inscrire dans les valeurs de la LEEP. Ses membres s’attachent particulièrement à la défense et à la promotion de l’enseignement public non confessionnel. Ils souhaitent la création d’un seul réseau unique public, gratuit, une véritable mixité sociale au sein des écoles. La première manifestation publique « Liberté, égalité dans nos écoles… Utopie ou réalité ? » l’a clairement indiqué.


Entretien avec

Bernadette Rasquin

Thomas Herremans

Véronique Limère

Encourager l’esprit critique pour construire des projets communs !

Salut & Fraternité : Quel est le point de vue de la Ligue de Liège sur le libre examen dans l’enseignement en général ? En quoi et comment est-il développé à l’école?

Bernadette Rasquin/Thomas Herremans : Nous devons constater que le libre examen, auquel nous sommes attachés, n’apparaît pas dans les textes de référence communs à tous les réseaux d’enseignement. Dans les textes spécifiques aux pouvoirs organisateurs de l’Enseignement Officiel, seul le projet éducatif et pédagogique du Conseil des Pouvoirs organisateurs de l’Enseignement Officiel Neutre Subventionné (CPEONS) mentionne que « leurs méthodes de travail et de réflexion (des écoles officielles) reposent sur une démarche libre exaministe ».

On le trouve également dans le décret définissant la neutralité de l’enseignement de la Communauté française, où il est utilisé pour qualifier le cours de morale : « Les titulaires des cours de religions reconnues et de morale inspirée par ces religions, ainsi que les titulaires des cours de morale inspirée par l’esprit de libre examen, s’abstiennent de dénigrer les positions exprimées dans les cours parallèles ».

Le terme libre examen apparaît dans le programme du cours de morale pour les trois cycles de l’enseignement fondamental. Il en est de même dans le préambule de celui du secondaire. C’est cette qualification et la manière d’envisager des choix éthiques qui a fondé la Cour constitutionnelle à déclarer le cours de morale comme non neutre, comme un système philosophique engagé lié à la laïcité. Le libre examen n’est plus une méthode, mais un principe.

Le terme libre examen apparaît dans le programme du cours de morale pour les trois cycles de l’enseignement fondamental. Il en est de même dans le préambule de celui du secondaire.

Les textes de références mentionnent donc plus volontiers l’esprit critique, expression politiquement plus acceptable car avec le terme libre examen, nous touchons à un débat fondamental dans l’écriture des référentiels entre les défenseurs de l’enseignement public partisans de la neutralité, voire de la laïcité, et ceux de l’enseignement privé confessionnel.

S&F : Est-ce suffisant ? Si non, comment le  ­développer ?

B.R. : La rédaction du nouveau référentiel d’Éducation à la philosophie et à la citoyenneté (EPC) pour le fondamental en est l’illustration la plus récente. Alors que ses axes représentent une opportunité de mettre en pratique la méthode du libre examen, inhérente au développement des compétences visées, ce terme en est complètement absent. Mais l’esprit y est, et c’est probablement pour cette raison que l’enseignement privé confessionnel a refusé d’intégrer ce cours dans ses grilles horaires. On passe donc à côté d’une occasion historique de mettre sur le même pied les compétences disciplinaires du cours d’EPC qui sont aussi importantes que « lire et compter », à un moment où notre société a besoin de construire des projets communs pour vivre libres ensemble, et pour motiver et fédérer la jeunesse.

Il ne suffit pas de prôner l’esprit critique comme méthode pédagogique : encore faut-il s’assurer que le fonctionnement pédagogique lui laisse une vraie place. Ainsi, l’esprit critique ne trouve pas sa place dans une relation pédagogique de modèle strictement transmissif. Il est évident que des pédagogies actives lui accordent un plus grand rôle.

La LEEP-Liège organise, entre autres, des conférences centrées sur l’enseignement et ses problématiques.

S&F : Quelles sont les actions de la Ligue pour soutenir l’enseignement public et l’éducation laïque ?

Véronique Limère : Dans le cadre des activités récurrentes, nous souhaitons rencontrer un maximum de personnes pour discuter, informer, réfléchir, trouver les modèles porteurs d’un avenir plus proche de nos valeurs. Nous organisons des conférences centrées sur l’enseignement et ses problématiques, dans une perspective d’éducation permanente.

Nous développons aussi différents projets dans une dynamique positive de construction de soi et du monde dans une perspective d’égalité. Un module Alter Égales est proposé aux écoles d’enseignement officiel secondaire dans la province de Liège. Il invite à déconstruire les stéréotypes afin de faire évoluer les comportements vers plus d’égalité. La lutte en faveur d’une société égalitaire s’articule en plusieurs pans. La lutte contre les inégalités femmes/hommes est l’un d’eux.

La lutte en faveur d’une société égalitaire s’articule en plusieurs pans. La lutte contre les inégalités femmes/hommes est l’un d’eux.

Des modules de formation de français langue étrangère (FLE) sont dispensés dans des écoles secondaires et supérieures. Dans certains cas, nous utilisons toutes les compétences, par exemple dans un projet qui porte sur l’intégration des personnes étrangères, alliant la citoyenneté avec l’apprentissage de la langue. Nous utilisons aussi la verbalisation et l’écriture de trajets de vie comme avec « La voix des sans-papiers ». Cela nourrit une émission radio mensuelle visant à promouvoir les asbl ou les actions liées à la citoyenneté.

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