Invention du racisme, invention du « sauvage »

  • Pascal Blanchardhistorien, spécialiste du fait colonial et commissaire de l’exposition Zoos humains. L’invention du sauvage
Le phénomène des zoos humains recouvre une réalité à l’ampleur encore méconnue. Des exhibitions anthropozoologiques dans les jardins d’acclimatation au milieu du XIXe siècle jusqu’aux grandes expositions universelles, puis coloniales, au cours du premier tiers du XXe siècle, en passant par les freakshows, les « villages noirs » et les spectacles de cabaret et de théâtre, on estime à plusieurs dizaines de milliers le nombre de figurants exhibés en Europe, au Japon et en Amérique… et à plusieurs centaines de millions, le nombre de visiteurs qui iront à la rencontre des « sauvages » et des « monstres ». [...]

Racisme ordinaire : entre préjugés, stéréotypes et boucs émissaires

  • Jérôme Jaminprofesseur de science politique à l’Université de Liège

Téléréalité : nouveau zoo humain ?

  • François Jostdirecteur du laboratoire Communication Information Médias à la Sorbonne nouvelle Paris 3
François Jost est professeur en sciences de l’information et de la communication et directeur du laboratoire Communication Information Médias à la Sorbonne nouvelle Paris 3. Il a étudié la téléréalité de près et est l’auteur, entre autres, de Téléréalité (éditions Cavalier Bleu, 2007) et de L’Empire du Loft (éditions La Dispute, 2002). [...]

Le poids de la Science dans la perpétuation du racisme

  • Gilles Boëtschanthropobiologiste et directeur de recherche au CNRS (UMIESS – Dakar)
Parce que tout un chacun peut observer des différences morphologiques entre humains, on a pensé que cette variabilité était facilement mesurable, quantifiable et qu’elle pouvait constituer un objet d’étude pour la science. Les anthropologues physiques du XIXe siècle passeront une grande partie de leur temps à proposer des modèles classificatoires toujours plus subtiles et plus sophistiqués à partir d’arrangements morphologiques assez incongrus, chaque auteur montrant une ingéniosité particulière à privilégier tel ou tel caractère se limitant d’ailleurs à peu de chose : la couleur de la peau, des yeux et des cheveux, la stature et l’indice céphalique (rapport de la largeur à la longueur de la tête). Mais la classification des humains en entités « raciales » cohérentes sera un échec et critiquée par Charles Darwin de manière catégorique (1871). Avec la découverte de la génétique, un certain nombre de scientifiques ont pensé pouvoir utiliser les groupes sanguins (érythrocytaires puis HLA) comme marqueurs identitaires « raciologiques ». Mais ils produisirent une typologie encore plus rigide que celle proposée par la morphologie anatomique et la couleur cutanée dont s’emparèrent certains généticiens. [...]

Ne jamais Rayer les zoos humains de notre mémoire

  • Lucienne Strivayanthroplogue à l’Université de Liège
Les zoos humains tels que les occidentaux les ont conçus au XIXe et au-delà de la première moitié du XXe siècle ne sont pas le seul témoignage historique d’exhibition de personnes humaines dans des enclos au titre de curiosités biologiques. Un certain nombre de régimes forts, centralisés, impériaux, avaient déjà « collecté » des spécimens rares jugés aux frontières de l’animalité. Cependant, c’est leur échelle d’industrie du spectacle, de théâtre d’appropriation par l’entreprise politique et la connaissance qui en font un phénomène à ne jamais rayer de notre mémoire. Les grandes expositions coloniales et universelles drainent pédagogiquement plus d’un milliard de visiteurs et, significativement, elles accompagnent les guerres de conquête et d’exploitation. [...]